La discussion autour du plan de déconfinement a continué ce mercredi 29 avril à l’Assemblée nationale, à travers la séance de questions au gouvernement.
C’est d’abord la réouverture programmée des établissements scolaires qui a fait débat lors de la séance de questions au gouvernement ce mercredi. « Les défaillances cardiaques potentiellement liées au Covid-19 et signalées chez des enfants inquiètent beaucoup de parents avec la rentrée », lance d’emblée le député LT Bertrand Pancher. « Ces inflammations cardiaques et artérielles qui ressemblent à la maladie de Kawasaki concernent environ 15 enfants en France. Nous les prenons très au sérieux. L’ensemble des pédiatres de la zone euro travaillent ensemble pour déterminer s’il y a un lien avec le coronavirus », réplique le ministre de la Santé Olivier Véran.
Le député PCF Hubert Wulfranc appelle juste ensuite à « renforcer la place de la médecine scolaire dans les établissements ». Il souhaite aussi que soient renforcés tous les effectifs, en recrutant davantage et en titularisant les personnels qui ont deux ans d’expérience. « Il faut revaloriser les fonds sociaux des établissements scolaires, prendre en charge les élèves en difficulté menacés de décrochage, et lisser le rattrapage dans le temps », invite-t-il, inquiet de « ruptures éducatives majeures, de graves carences alimentaires » et d’inégalités toujours plus profondes. Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer lui répond qu’il y aura « des mesures d’accompagnement individualisé pour chaque enfant » pour lutter contre le décrochage, que 1 200 postes vont être créés en cours d’année et qu’il n’y aura aucune « fermeture de classe rurale sans l’accord du maire ».
À la députée FI Sabine Rubin, qui estime que « la communauté éducative est plongée en plein désarroi » devant les contradictions du gouvernement, défend un retour en classe en septembre et regrette que « le volontariat laisse les parents devant un choix cornélien », le ministre rétorque qu’il ne faut pas dans la situation obliger les enfants à aller en classe. « C’était la seule réponse possible : oui l’instruction est obligatoire, mais si les parents n’envoient pas leurs enfants à l’école, il y aura cours à distance », résume-t-il. Interrogé dans la foulée par l’élue LR Valérie Bazin-Malgras, le ministre ne répond que partiellement, sans préciser sur quels critères seront choisis les 15 élèves qui retourneront en cours par classe.
Quelles différences entre les départements rouges et verts ?
C’est ensuite la stratégie de déconfinement qui est interrogée. « Sans masques et sans quantité de tests suffisants le déconfinement sera long et difficile », prévient le président du groupe LR, Damien Abad. « 50 % des personnes infectées par le Covid-19 sont asymptomatiques, lesquelles sont responsables de 44 % des contaminations, comment faire pour les tests ? » demande-t-il. Le premier ministre confirme alors qu’il y aura 700 000 tests par semaine. « Toute personne déclarant des symptômes est testée. Si elle est positive, nous remontons la chaîne des contacts et nous testons les personnes concernées, symptomatiques ou non. La vérité, c’est que nous allons tester beaucoup d’asymptomatiques », explique Édouard Philippe au sujet de sa « doctrine de déconfinement », qui prône aussi des tests dans les EHPAD.
La territorialisation du déconfinement est aussi au cœur du débat. « Pourquoi refusez-vous de rouvrir les cafés et restaurants dès le 11 mai dans les départements peu touchés ? », demande Damien Abad. « Car nous voulons vérifier les effets du déconfinement », avant de tout ouvrir, détaille Édouard Philippe, qui voit là « une démarche prudente ». « Il faut aller au bout de la logique territoriale. Comment comprendre que les plages restent interdites quand les médiathèques et les écoles ouvrent ? », poursuit le député UDI Pascal Brideau. « C’est un plan soumis à la concertation des acteurs locaux. On parle du binôme préfet-maire. Nous mettons des indicateurs à disposition des collectivités afin d’adapter le déconfinement. Ce plan pourra vivre dans les territoires », assure en retour le ministre de la Santé Olivier Véran.
Et ce n’est pas fini. Le député LaREM François de Rugy interroge : « pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences concrètes d’être dans un département vert ou rouge ? » Édouard Philippe prend la parole : « Comment est-ce que nous allons classer un département en vert ou en rouge ? En fonction d’indicateurs publics mis à jour quotidiennement. En fonction du taux de cas nouveaux sur la population, du taux de préparation du système hospitalier, et de la capacité des brigades à remontrer efficacement les chaînes de transmission », résume le premier ministre. « Des interdictions prévaudront partout en France, dont la non-ouverture des restaurants et des grands centres commerciaux qui créent des brassages massifs, ce contre quoi nous voulons lutter », ajoute-t-il, en précisant que sa « logique » est celle d’un « partenariat avec les élus locaux et les acteurs de terrain pour piloter finement la lutte contre la diffusion du virus ».
Environ 9 000 décès à domicile liés au Covid-19
Le ministre de la Santé a enfin souvent été interrogé. « L’ampleur de cette tragédie doit être connue dans toute sa diversité », alerte le député PS Hervé Saulignac, qui demande le détail des victimes du Covid-19 à l’hôpital, en EHPAD et aussi à domicile (actuellement estimés à 9 000 décès supplémentaires). « Nous faisons preuve de la plus grande transparence depuis le début en annonçant les décès hospitaliers et dans les EHPAD », juge Olivier Véran, qui estime que le chiffre des personnes décédées du Covid-19 à domicile est « plus compliqué à évaluer », mais sera connu en juin grâce au travail de Santé publique France, qui doit traiter les certificats de décès électroniques et non électroniques. « Nous avons reçu une alerte de surmortalité à domicile, pas forcément liée au Covid mais aussi à de nombreuses pathologies non traitées », précise encore le ministre.
Le député PCF Alain Bruneel l’interroge également sur les suppressions de lits et de postes à l’hôpital, et sur les regroupements hospitaliers qu’il ne faut pas suspendre, comme c’est actuellement le cas, mais tout simplement abandonner. « Nous demandons une reprise totale de la dette des hôpitaux », ajoute-t-il. Il n’aura pas de réponse sur ce sujet mais Olivier Véran annonce des « grandes consultations à venir ». Il y a « suspension de tous les plans de restructuration sur tous les territoires. On arrête tout, on verra plus tard, en concertation avec les acteurs. Soyez rassuré », tente de convaincre le ministre. À l’élu LR Gilles Lurton qui demande une « revalorisation des salaires et des statuts, plutôt que des primes » pour les soignants, le ministre renvoie également à plus tard, tout en promettant que tous les soignants, et toute la chaîne des personnels dans les établissements de soins auront une prime.
Enfin, le député FI Bastien Lachaud a affirmé que « le port du masque doit être généralisé et obligatoire, gratuit et disponible pour tous, et c’est à l’État de le garantir ». L’élu estime que « personne ne doit être empêché de porter des masques pour une raison arbitraire », et regrette que le gouvernement soit « incapable de planifier la production, de réquisitionner » et « d’encadrer les prix ». « Vous créez une discrimination des plus vulnérables », accuse-t-il, avant de prévenir contre une possible deuxième vague. « J’invite chacun d’entre nous à ne pas se transformer en prédicateur de l’apocalypse », répond Olivier Véran, pour qui « il n’y a pas besoin de faire des réquisitions, car il y a une mobilisation nationale pour produire des masques ». Le ministre ajoute que « 5 millions de masques ont été donnés aux centres communaux d’action sociale (CCAS) pour être livrés aux plus démunis ».
Le gouvernement a par la suite été interrogé sur les aides à attribuer aux agriculteurs, au monde de la culture et à la presse. Des mesures sont prévues, assure l’exécutif, au-delà du chômage partiel, des prêts bancaires et du fonds de solidarité, sans les préciser. « L’État continuera d’appuyer la recherche de nouvelles solutions et d’un nouveau modèle pour Presstalis et les éditeurs de presse », promet le ministre de la Culture Franck Riester.
30 avril 2020 (Ludovic MARIN / POOL / AFP.)