Un an
Je n'oublie rien.
Ménilmontant. Je me souviens.
Stupéfié.
Je porte grâce à toi de belles meurtrissures
toutes neuves,
que j'arbore
de moins en moins,
que je garde
de plus en plus
pour moi
Tout seul.
Ma vie n'a pas beaucoup plus de sens ce soir qu'elle en avait au crépuscule du vingt juillet 2007. Tu as emporté mon sens au ciel. Ma quille arrachée. Ma mâture rompue. Je me suis laissé dériver, simplement, allongé, gisant sur le bastingage, les yeux braqués au firmament. J'ai attendu que le fil de l'eau m'emporte ailleurs. J'ai franchi vaux et gorges sur ma monture esseulée. Deux mille six cent kilomètres. Rien, au fond. Qu'est-ce pour toi qui as quitté tout un monde en un seul instant.
Dans quelques jours à peine j'aurai complété la première partie de notre voyage, la portion que nous avions vaguement planifié ensemble. Quand je glisserai les orteils dans la vieille Méditerranée je crois que je serai libéré de nous pour de bon. Ton spectre m'a demandé l'hiver dernier de le laisser en paix. Je demande à la partie de toi qui m'habite encore malgré nos deux volontés de faire de même. J'exige de mon âtre qu'il recrache la cendre de toi qui hier couvait encore.
Oui. Il y aura une aube, même sans toi.
Avais-tu un morceau de nous dans ton ventre, en t'envolant ? J'aimerais me faire croire que ça m'est égal de savoir. Uhm… avoir la force de nier que ça m'est important. L'hiver dure parfois mille ans. J'en ai connu. Mais j'entends les gouttelettes choir sur le toit de la tente et je sais que le dégel va bientôt commencer.
Ça fleurira dans cette terre roide et grise. Ça pullulera dans cet étang noir. Ça grouillera sous la torpeur fiévreuse, malsaine. Ça se relèvera. Ça rechantera. Oui. Je suis encore vivant. C'est quelque chose.
Je verrai !…© Éric McComber