Haro sur les riches en général et sur Bill Gates en particulier

Publié le 28 avril 2020 par Francisrichard @francisrichard

Quoi qu'il fasse, un riche a toujours tort. S'il est grippe-sou, il ne mérite vraiment pas d'être devenu riche. S'il est philanthrope, il veut se donner bonne conscience ou bénéficier d'avantages fiscaux, ou probablement les deux.

Depuis La Bruyère, on sait que le riche, qu'il dépeint sous les traits du caricatural Giton, a tous les défauts, même physiques, et que le pauvre, qui a les traits du caricatural Phédon, est, surtout, digne d'une... gratifiante pitié.

Vouloir être riche, c'est mal. D'ailleurs, n'est-ce pas suspect de l'être devenu un jour ? Dès lors, ce que l'on fait de son argent ne peut qu'être également suspect, tandis qu'être pauvre ne peut jamais faire de vous un mauvais...

Devenir riche, voire ultra-riche

Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, serait en 2019, d'après Forbes, le détenteur de la deuxième fortune du monde, juste derrière Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, ce qui fait donc d'eux deux des méchants, des suspects.

Or ni l'un ni l'autre ne sont devenus riches sans avoir pris de gros risques, sans avoir surmonté des obstacles, sans avoir tiré leçons d'échecs essuyés, sans avoir pressenti ce qui permettrait à leurs entreprises respectives de réussir.

Un discours prémonitoire

C'est cette sagesse, nourrie d'intuition et d'expérience, qui a permis, il y a cinq ans, à Bill Gates de faire un discours prémonitoire, lors d'une conférence Ted, après que le virus Ebola a fait des ravages sur le continent africain:

Si quelque chose tue plus de dix millions de personnes dans les prochaines décennies, ce sera probablement un virus hautement contagieux plutôt qu'une guerre.

Aujourd'hui on tire argument de ce discours sensé pour, sur les réseaux sociaux, crier haro sur Bill Gates. D'aucuns l'accusent - et cela fait un buzz planétaire - d'avoir provoqué la crise sanitaire et de vouloir en tirer un profit personnel.

On peut ne pas aimer les positions de Bill Gates

On peut ne pas aimer les positions de Bill Gates en faveur d'un impôt plus progressif (mais pas trop) sur les gains en capital ou d'un impôt plus lourd sur les successions, ou sa position sur l'importance de l'OMS pour lutter contre la pandémie.

On peut tout cela. Cela relève de l'opinion. Mais on ne peut à partir de faits réels les travestir pour servir des causes pour le moins suspectes, où se retrouvent coalisés des complotistes, des anti-vaccins et des extrémistes de droite.

Des mensonges éhontés

Car, pour soutenir leur thèse, tous ces braves gens ne reculent pas devant la fabrication de mensonges éhontés :

- La Fondation Bill et Melinda Gates a bien financé l'Institut Pirbright, mais ce n'était pas pour déposer en 2015 un brevet à partir d'une étude sur les coronavirus qui affectent les êtres humains, tels que le Covid-19, mais sur ceux qui affectent les animaux;

- Bill Gates a bien dit à la mi-mars de cette année: A terme, nous aurons des certificats numériques pour savoir qui s'est remis de la maladie ou qui a été testé récemment ou, quand nous aurons un vaccin, qui l'a reçu ; mais il ne s'agissait pas de tracer les gens mais de fournir un carnet de vaccination... intraçable;

- Le Centre John Hopkins, avec la Fondation Bill et Melinda Gates et le Forum économique mondial, a bien organisé à New-York en octobre 2019 l'étude d'un cas de propagation d'un coronavirus, pour imaginer les mesures qu'il conviendrait alors de prendre, mais ce n'était nullement une prédiction.

Conclusion

En fait, ce que ces braves gens atteints de paranoïa ne supportent pas, c'est qu'un milliardaire ne soit pas un affreux, qu'il puisse avoir à coeur, lui qui a réussi, de participer à la lutte urgente contre une pandémie en y consacrant de gros moyens comme il l'a fait précédemment pour éradiquer le VIH, le paludisme ou la polio.

En fait, ce que ces braves gens atteints de paranoïa souhaiteraient sans doute, c'est que de tels fondateurs d'entreprises à succès, plutôt que de pouvoir donner libre cours à leur générosité, soient mis davantage à contribution par l'État, qui se chargerait bien de l'utiliser à meilleur escient qu'eux, c'est-à-dire de le dilapider...

Francis Richard