J’avais essayé de lire « Ulysse » de Joyce il y a longtemps et n’avais pas poursuivi au-delà d’une trentaine de pages. Partagée entre l’incompréhension et le respect pour un écrivain majeur du 20ème siècle, j’ai voulu tout de même tenter de m’y frotter à nouveau. Et Gens de Dublin, également traduit par Dublinois, réputé pour sa clarté et son côté accessible, me paraissait l’ouvrage le plus propice à cette tentative. Malgré tout, je n’ai pas été totalement emportée par cette lecture, même si je reconnais qu’elle a été bien plus agréable que celle d’Ulysse.
Dublinois réunit quinze nouvelles qui ont toutes en commun de se dérouler dans la capitale Irlandaise et de mettre en scène les habitants de cette ville, choisis parmi les diverses classes sociales de la société, des plus pauvres aux plus huppées. Un autre point commun de ces nouvelles est de se proposer comme des tranches de vie, avec un certain réalisme, voire même un côté anecdotique, où le détail est parfois davantage développé que la signification des événements. Jamais l’auteur ne cherche à analyser les histoires qu’il nous conte : il nous met devant des faits, devant des dialogues, et laisse le lecteur en penser ce qu’il voudra, ce qui est un peu déroutant parfois. Un autre point commun de ces nouvelles, est de sembler « mal cadrées » ou bizarrement cadrées. Je veux dire par là qu’elles ne commencent pas forcément par une situation initiale bien définie pour s’achever par une conclusion qui marquerait logiquement leur terme : les points de débuts et de fins semblent au contraire un peu aléatoires, choisis de manière arbitraires.
Dans ces nouvelles, les gens de Dublin sont présentés comme assez débrouillards, fûtés, sociables et plutôt portés sur la boisson.
Il y a beaucoup de références, dans ces nouvelles, à la situation politique et religieuse de l’Irlande du début du 20è siècle, avec les luttes entre protestants et catholiques et l’animosité contre les Anglais, et les situations décrites n’ont pas toujours été parfaitement précises dans mon esprit au moment où je lisais, même si je voyais en gros de quoi il retournait.
Bref, sur ces quinze nouvelles, j’en ai vraiment apprécié cinq ou six – ce qui est déjà pas mal – et notamment les nouvelles Un petit Nuage et Un cas douloureux mais je suis loin d’avoir adhéré à toutes.
Voici un extrait page 134 (Nouvelle : Un petit Nuage)
(…) Aucun doute, si on voulait réussir, il fallait s’en aller. A Dublin, on ne pouvait rien faire. En traversant Grattan Bridge, il regarda vers l’aval du fleuve et les quais inférieurs et s’apitoya sur les pauvres maisons chétives. On aurait dit une bande de clochards serrés le long des berges, avec leurs vieux manteaux couverts de poussière et de suie, stupéfiés par le panorama du couchant et attendant que la première fraîcheur nocturne les force à se lever, se secouer et s’en aller. Il se demandait s’il arriverait à écrire un poème pour exprimer l’idée qu’il avait là. (…)