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Le déni

Publié le 27 avril 2020 par Jean-Emmanuel Ducoin
Le déni Nous ne savons si la date du 11 mai pour (mal) déconfiner le pays sera respectée, mais au moins une évidence s’impose: la démocratie, elle, reste confinée.
D’ordinaire, les temps de crise majeure réclament une délibération démocratique totale. Le plan de déconfinement annoncé par Édouard Philippe ce mardi à l’Assemblée nationale, crucial pour l’avenir du pays, échappera à la règle d’honneur de notre République. Un exemple supplémentaire parmi tant d’autres – sauf que celui-ci fera date. Alors que de lourdes incertitudes pèsent sur les mesures prévues pour l’après-11 mai, alors que nous assistons depuis des semaines à des contradictions, des louvoiements, des divergences et autres revirements et vraies-fausses annonces, le gouvernement s’apprête donc à dévoiler les conditions de «l’après» de manière expéditive et, pour tout dire, dans des conditions d’examen odieuses. À peine connu, le plan sera survolé, si peu discuté, et aussitôt voté. Tous les groupes parlementaires d’opposition réclamaient «plus de temps» afin d’étudier la stratégie proposée. Refus catégorique. Chaque jour qui passe assigne toujours plus le Parlement à un rôle de chambre d’enregistrement.
Nous ne savons si la date du 11 mai pour (mal) déconfiner le pays sera respectée, mais au moins une évidence s’impose: la démocratie, elle, reste confinée. Naviguant à vue entre impréparation et incompétence, sans parler de nombreuses décisions déplorables liées à l’alliance de l’expertocratie et de l’oligarchie politique, l’exécutif pousse ainsi les feux du déni démocratique. L’heure est pourtant bien trop grave pour se contenter de la nécessaire «urgence», qui ne saurait justifier la mise à l’encan des principes élémentaires.
Dans ces circonstances, comment s’étonner de l’ampleur de la défiance des Français? Et comment ne pas comprendre que ces derniers considèrent, d’ores et déjà, la (possible) future application StopCovid comme un projet désastreux, piloté par des apprentis sorciers. La démocratie piétinée, d’un côté ; une confiance définitivement plombée, de l’autre. Est-il sérieux de s’en remettre, pieds et poings liés, aux gouvernants responsables de cette catastrophe?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 28 avril 2020]

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