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MONDE. Brésil. « Avec la démission de Sergio Moro, la droite se retourne contre Jair Bolsonaro » Par Rosa MOUSSAOUI

Publié le 26 avril 2020 par Particommuniste34200

L’ex-juge Moro, désigné ministre de la Justice en récompense de ses manœuvres pour empêcher le retour de Lula au pouvoir, a claqué la porte du gouvernement. Après le départ du ministre de la Santé, Henrique Mandetta, limogé le 16 avril pour avoir critiqué l’irresponsabilité de Jair Bolsonaro devant la pandémie de Covid-19, cette nouvelle défection pourrait coûter cher au président brésilien.

Il était l’une des pièces maîtresses du gouvernement brésilien. Avec la démission fracassante, vendredi, du ministre de la Justice, Sergio Moro, une nouvelle fissure vient encore fragiliser l’édifice politique du président d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Dans un contexte de grave crise économique, sanitaire et politique, les rapports entre les deux hommes s’étaient déjà sérieusement dégradés. C’est finalement l’éviction du chef de la police fédérale, Mauricio Valeixo, un proche de Sergio Moro, remplacé par le directeur du renseignement, Alexandre Ramagem, qui a précipité la rupture.

Allusion claire aux soupçons de corruption qui pèsent sur le clan présidentiel

L’ancien juge s’est dit « surpris » par cette décision. « Pour moi, c’est un signe qui montre que le président ne veut plus que je reste à mon poste », a-t-il expliqué, en lançant de graves accusations contre Jair Bolsonaro, qu’il soupçonne d’avoir placé à la tête de la police fédérale « une personne avec qui il aurait un contact personnel, qu’il pourrait appeler pour obtenir des informations sur les enquêtes » en cours. Allusion claire aux soupçons de corruption qui pèsent sur le clan présidentiel, à commencer par Flavio Bolsonaro, sénateur et fils aîné du président. En réponse, Jair Bolsonaro s’est indigné de ces accusations d’ « ingérence » dans les investigations en cours. Tout en admettant se tenir informé des développements de l’enquête sur l’attaque à l’arme blanche dont il avait été la cible à la veille de son élection. Plus troublant : il reproche à la police de négliger cette enquête pour privilégier les investigations sur l’assassinat de la militante afro-féministe Marielle Franco, tuée le 14 mars 2018 à Rio de Janeiro. Dans cette affaire, l’étau se resserre autour de Jair Bolsonaro, qui aurait entretenu des liens directs avec l’assassin présumé de cette élue de gauche.

Une correspondance dessine une manœuvre à entraver la candidature de Lula

Sergio Moro est-il saisi d’un soudain élan de probité ? En fait, la bruyante mise en scène de sa rupture avec un Jair Bolsonaro plus isolé que jamais lui permet, à peu de frais, de sauver la popularité dont il jouit encore et de redorer son image ternie par les révélations, l’an dernier, du site The Intercept. Ce média américain a mis au jour des messages privés qu’il avait échangés avec des procureurs via Telegram, alors qu’il supervisait l’opération anticorruption « Lava Jato » (lavage express). Cette volumineuse correspondance dessine une manœuvre à caractère politique, visant, après le coup d’État constitutionnel contre la présidente Dilma Rousseff, à entraver la candidature de Luis Ignacio Lula da Silva et le retour au pouvoir du Parti des travailleurs. D’après certains messages, les procureurs eux-mêmes émettaient « de sérieux doutes sur l’existence de preuves suffisantes de la culpabilité de Lula ». Après l’élection de Jair Bolsonaro, le juge Moro fut nommé ministre de la Justice en récompense de son zèle, avant que la mise en lumière de ses procédés et de sa partialité ne fasse scandale, ouvrant la voie à la libération de Lula. L’ancien magistrat espère aujourd’hui tourner cette page pour mieux préparer l’élection présidentielle de 2022 ou même se poser comme recours avant cette échéance.

Seuls les pentecôtistes semblent porter encore, à bout de bras, le président d’extrême droite

En attendant, après le départ du ministre de la Santé, Henrique Mandetta, limogé le 16 avril pour avoir critiqué l’irresponsabilité de Jair Bolsonaro devant la pandémie de Covid-19, cette nouvelle défection pourrait coûter cher au président brésilien. Dès vendredi, le procureur général annonçait l’ouverture d’une enquête sur les accusations lancées par Sergio Moro. Et à droite, les invectives pleuvent. « Notre pays doit combattre deux virus, le coronavirus et un autre virus qui se trouve au palais présidentiel de Planalto », s’étrangle le gouverneur de Sao Paulo, l’affairiste multimillionnaire Joao Doria, qui avait soutenu Jair Bolsonaro dans son ascension.

Seuls les prêcheurs pentecôtistes semblent porter encore, à bout de bras, le président d’extrême droite. Ceux-là voient dans le coronavirus, qu’ils ont rebaptisé « comunavirus », un complot satanique, ourdi par les communistes et les grands médias… pour nuire à leur coreligionnaire au pouvoir.

MONDE. Brésil. « Avec la démission de Sergio Moro, la droite se retourne contre Jair Bolsonaro » Par Rosa MOUSSAOUI
27 avril 2020 (A. Anholete/Getty Images/AFP)

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