Toujours, je repars avant l’aube. J’ouvre des yeux aveuglés de
myope dans les ténèbres – la clarté d’un rayon de lune entre
comme un voleur et presque par hasard dans ta chambre
surchauffée. / Je te regarde longuement, couché sur ton
flanc gauche. Tu dors nu, bouche entrouverte tournée vers
quel rêve ? Tu bandes. Je me lève, ramasse mon gsm coupé
– c’est plus prudent en ces temps de grand soupçon – et mes
vêtements épars. Je t’abandonne, je te déserte sans même
une seule caresse pour ce corps dont je rêve d’apprendre par
cœur chaque pore. Je me déteste, je t’abandonne. Quand me
le reprocheras-tu ?
Extraits de Desperados Editions © L’arbre à Paroles
*
Au bout du compte / conclure : tu m’émeu / et souvent tu
m’étonnes sans aucune mesure / comme quand tu poses une
perruque mauve / sur un crâne presque chauve / comme on
joue aux poupées / quand tes lèvres font la moue / parce
que tu es déçu / quand tu renonces / quand tu dénonces /
quand tu es abattu / quand tu cherches tes mots / entre
des larmes bues / et ton blues désarmé / et que je retrouve
à peu près les paroles / de l’ample réconfort / pour aller de
l’avant / En résumé, pas amoureux : ému / par ce grand
mouvement de douceur et de force / que bercent ta beauté /
et ta jeune candeur
Extraits de Desperados Editions © L’arbre à Paroles
Mon poème
a ce soir
une mâchoire d’ogre
et se plaît à broyer
mes rimes
entre ses dents
Le dictionnaire
a beau
sous son bonnet d’onagre
protester
Mon bouillon
veut d’autres ingrédients.
Extraits de Force d’inertie © Le cherche-midi
*
Eté
J’ai l’un ou l’autre encore
Mots à tracer puis je raccroche
Mon pauvre ami mon corps
prends le temps qu’il te faut
ne me fais pas reproche
du trop peu de plaisir que je t’aurai donné
quand je suivrai enfin la lente putain moche
ma mort jusque dans des fourrés
sweet side où l’on peut, parait-il ,
faire – et à bas tarif –
l’amour avec sa propre soif.
Extraits de Force d’inertie © Le cherche-midi
Ça ne fait pas un pli
les jours se déguisent
pour nous faire croire ensuite qu’ils sont déjà passés.
Qu’il porte un loup de lune
le masque de la guerre
ou le manteau troué du voyageur Lunus
le Jour se reconnaît à ses vingt-quatre plaies
béantes tour à tour pour qui peut s’y glisser.
Ca ne fait pas une ride
les jours sont déguisés
pour nous permettre de vieillir sans trop déchoir
à notre bonne guise
Extraits de Tout emporter (Poèmes 1988-2008) © Le Castor Astral
*
C’était un sombre matin d’août
au réveil et sans préambule
elle m’administra sept preuves
de l’existence d’un dieu bon
qui ne toléraient pas le doute
puis une gifle sans raison.
Quand je la repris dans mes bras
elle tremblait comme la page
pénultième d’un roman noir
la lune était trop occupée
à fermer l’œil sur notre étreinte
pour voir qu’elle pleurait d’amour
amour qui sauve de la honte
notre petit monde contente
en menant sa guerre oubliée
à l’ombre du mur le plus haut.
Extraits de Tout emporter (Poèmes 1988-2008) © Le Castor Astral
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