Harald Salfellner, Franz Kafka und Prag. Ein literarischer Wegweiser, 120 Seiten, 9,9 €
Marek Nekula, Franz Kafka and his Prague contexts : Studies in Languages and Literature, translated from Czech, Karolinum Press, 242 p., Index, 2016.
Deux livres achetés lors d'un court séjour, à Prague, dans le quartier des synagogues. Prague où l'on ne parle plus guère l'allemand. Et pourtant Prague, reste toujours un peu la ville de Kafka où il est né le 3 juillet 1883.
Le livre nous promène ensuite dans les différents quartiers de Prague : où l'on visite les cafés, le marché, les synagogues, les rues, le tribunal où Kafka fera ses classes et qui inspirera sans doute les décors du Procès. Puis les assurances, et l'entreprise où il travaillera durant l'essentiel de sa vie professionnelle et où il fera carrière ("Arbeiter Unfall Versicherungs Anstalt"). Enfin, au cimetière, la tombe de Franz Kafka et de ses parents (les trois soeurs cadettes seront assassinées en camp de concentration, à Auschwitz).
L'ouvrage de Marek Nekula est un ouvrage académique, sérieux et rigoureux. L'auteur se livre à un exercice méticuleux, abondamment annoté : il lui faut prouver son point de vue, contre une histoire malfaisante, stalinienne. La défense de Kafka contre la censure soviétique est finalement simple : "For us in Czechoslovakia he means more. He was born in Prague; his entire life and his entire oeuvre are bound up with our capital city and our land... Memories and stories of Kafka in which truth and fiction are intertwined circulate amongst the simple people of Prague's old town. His work contains the imprint of our worries". Kafka, c'est donc Prague. Et il faut le localiser. Bien sûr, cette localisation c'est d'abord le contexte religieux.
Mais, la localisation, c'est aussi les langues qui lui étaient familières et qui le délocalisent sur place. Marek Nekula en dresse un inventaire précis : latin et grec durant huit années à raison de cinq à huit heures par semaine au lycée, français (quatre années, deux heures par semaine). Kafka lit le français couramment ; l'italien il l'a appris pour son travail, comme l'anglais et l'espagnol. Kafka parle hébreu qu'il pouvait lire et écrire, il parle le yiddish qu'il possédait parfaitement, et, enfin, l'allemand et le tchèque, langues apprises toutes deux à l'école et qu'il parle, langues maternelles en quelque sorte. Au total, c'est une dizaine de langues, plus ou moins bien maîtrisées, qui vont constituer son capital linguistique, dont il tire profit à différents moments de sa vie, professionnelle et personnelle.
L'allemand est sa langue maternelle, la langue de la famille. Le verbe mauscheln (magouiller, traficoter) fait l'objet d'un chapitre entier ; pour les anti-sémites, le verbe servait à dénigrer la manière de parler allemand des Juifs.
La formation tchèque de Kafka est étudiée en détails, de l'école qu'il a fréquentée à ses lectures multiples, à son contexte littéraire. Et enfin, on retrouve Kafka dans Prague qu'il lit couramment. Beau travail, enquêtes bien conduites. On sent que l'auteur veut réhabiliter Kafka dans sa ville, sérieusement.
Cet ouvrage remet Kafka, enfant de Prague, dans son unique contexte. Enfant de Prague d'abord, de ses rues et de ses monuments, qu'il connaît comme le dos de sa main, jusque par en-dessous les ponts de la ville où il dériva en barque. L'auteur est convaincant, le livre est précis. Voici un beau livre de la biographie intellectuelle de Kafka. On lira mieux Kafka après l'avoir refermé, prêt à chercher à mieux comprendre Kafka, "sa tendresse presque incroyable et sa sophistication intellectuelle presque macabre et sans compromis" (Milena Jesenská).