Disparition de Sepúlveda : son éditrice se souvient…

Publié le 25 avril 2020 par Anthony Quindroit @chilietcarnets

Luis Sepúlveda s’est éteint à l’âge de 70 ans, victime du Covid-19 (photo DR éditions Métailié – Daniel Mordzinski)

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Luis Sepúlveda s’est éteint à l’âge de 70 ans, victime du Covid-19 (photo DR éditions Métailié – Daniel Mordzinski)

Au 16 avril 2020, le Covid-19 avait tué 134 161 personnes. Parmi les victimes de ce virus qui met le monde à genoux, Luis Sepúlveda. L’auteur chilien contemporain sans doute le plus connu depuis Pablo Neruda.
Chaque victime est une de trop et la mort de l’écrivain, aussi célèbre soit-il, n’est pas plus injuste que celle d’un anonyme. Mais elle personnifie le drame. Surtout, elle nous renvoie à des émotions que l’on a pu connaître en découvrant pour la première fois Le vieux qui lisait des romans d’amour ou en écoutant Soul Makossa pour la première fois (oui, Manu Dibango aussi a été emporté par l’épidémie de coronavirus).
Luis Sepúlveda avait 70 ans (il y a quelque temps, il avait accordé une interview à Chili et carnets à retrouver ici). Avec lui, c’est encore un grand nom de la culture chilienne qui disparaît.
La plupart des articles sont revenus sur son parcours, les nombreux hommages aussi. Tous ont rappelé sa naissance au Chili le 4 octobre 1949. Ses tourments lorsque le coup d’Etat a mis à terre la démocratie chilienne et installé la dictature de Pinochet en 1973. Pour Sepúlveda, ce sera l’exil forcé après avoir été condamné par les militaires en raison de ses opinions politiques.
Envoyé vers la Suède, il roule finalement sa bosse en Amérique du Sud où son engagement politique se fait plus vif encore. Puis ce sera l’Europe. L’Allemagne, qui l’accueille pendant quinze ans. Là, l’ancien étudiant devenu journaliste rédige quelques contes. Et un premier roman suivi, quelques années plus tard, d’un deuxième appelé à devenir un succès : Le vieux qui lisait des romans d’amour. Nous sommes en 1992, Luis Sepúlveda n’est encore qu’un illustre inconnu mais sa plume tape dans l’oeil d’une éditrice française. Auréolée de deux beaux succès en librairie édités par ses soins – Les chasseurs de la préhistoire d’André Leroi-Gourhan et Contes de folie et de mort d’Horacio QuirogaAnne-Marie Métailié, fondatrice de la maison d’édition du même nom, approche le Chilien exilé. Le début d’une grande et indéfectible amitié.
Pour Chili et carnets, elle se souvient.

Quels étaient vos liens avec Luis Sepúlveda ?

  • Anne-Marie Métailié : « On se connaît depuis 1992. C’était une amitié vieille de 28 ans. Quand nous nous sommes rencontrés, nos vies ont changé brutalement. Il a changé mon statut en tant qu’éditeur. Nous avons partagé des galères de toutes sortes lors de voyages en France et en Allemagne. Mais c’était toujours très drôle, on s’est beaucoup amusé. Il avait publié Le vieux qui lisait des romans d’amour au Chili sans aucun succès. Et eu un prix littéraire en Espagne. Je l’ai lu et j’ai trouvé ça formidable. Il est vite entré dans la liste des meilleures ventes en France et ça a attiré des maisons d’édition espagnoles, grecques, portugaises… Tous, nous sommes devenus des amis. Il a rassemblé tous ces gens. Il aimait se faire rencontrer des gens qu’il appréciait. »

Quel homme était-il ?

  • Anne-Marie Métailié : « C’était difficile de ne pas l’aimer. C’était quelqu’un de très très généreux. Il prenait toujours soin de tous les auteurs qui lui envoyaient des manuscrits. C’est lui qui m’a fait découvrir Hernán Rivera Letelier ou encore Santiago Gamboa. Et il était très chaleureux. Certes, il fuyait les mondanités, il pouvait même y être assez désagréable. Mais quand vous aviez son amitié… Et il était d’une gourmandise ! Et quel cuisinier ! Vraiment du niveau d’un chef deux étoiles ! Et comme j’adore manger ! »

Anne-Marie Métailié et Luis Sepúlveda, une amitié de près de trente ans (photo Anne-Marie Métailié)

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Anne-Marie Métailié et Luis Sepúlveda, une amitié de près de trente ans (photo Anne-Marie Métailié)

Comment avez-vous appris sa disparition ?

  • Anne-Marie Métailié : « De manière très brutale. Il n’était pas vieux ! On venait de fêter ses 70 ans. On les a même fêtés quatre fois ! Là, ne même pas avoir la possibilité de lui dire adieu, c’est très dur. On va tous se donner rendez-vous à Noël, chez lui à Gijón, en Espagne, pour aller lui rendre hommage. Ensuite, comme il le souhaitait, sa femme ira disperser ses cendres en Patagonie. »

Y aura-t-il un livre posthume ?

  • Anne-Marie Métaillié : (elle rit) « Il fallait lui extirper les manuscrits ! Il a eu parfois trois ans de retard sur des manuscrits ! Il travaillait sur un roman policier. « Je te promets qu’en mars tu l’auras », me disait-il. Mais c’était le troisième mois de mars qu’il me disait cela ! »

Quels romans conseilleriez-vous à ceux qui ne connaissent pas ses écrits ?

  • Anne-Marie Métailié : « Le vieux qui lisait des romans d’amour, La fin de l’histoire, Le monde du bout du monde et Histoire d’une baleine blanche. Je pourrais citer aussi Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler mais il est même étudié dans les écoles primaires celui-ci ! »

Pour aller plus loin, retrouvez cet article sur Bertille Hausberg, l’une des traductrices qui a beaucoup travaillé sur les livres de Luis Sepúlveda notamment.

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