La rhétorique du « jour d’après » entretenue par le pouvoir n’est qu’un piège ! Obsédé, en dépit des risques pour les travailleurs, par une reprise du travail réclamée par le grand patronat, il prépare l’avenir dès « maintenant ».
Et cela a l’allure défraîchie du déjà-vu. En pire ! Le vote du budget rectificatif en aura apporté une première preuve. 20 milliards ont été débloqués en soutien aux grandes entreprises sans aucune conditionnalité en matière de salaires, d’emploi ou de transition environnementale, ni sans aucune remise en cause de la politique fiscale. Le libéralisme qui fait de l’État l’assurance tous risques du capital n’est pas confiné. Le déploiement de l’action des travailleurs ne doit pas l’être non plus.
La rupture aurait consisté dès maintenant à décider d’augmenter les salaires de tous les « premiers de corvée » qui ne peuvent se satisfaire de félicitations et de remerciements. Elle devrait consister à injecter sans attendre au moins une dizaine de milliards d’euros dans le système de santé, tout en déployant une nouvelle politique promouvant une sécurité de toutes les étapes de la vie, depuis la naissance jusqu’à ce qu’on appelle le quatrième âge. Ce qui nécessite encore de renforcer considérablement les bases de la Sécurité sociale élargie depuis la naissance, au travail comme à la dernière période de la vie. Un tel projet doit évidemment inclure une nouvelle politique agricole et alimentaire et une grande détermination politique à préserver la nature. En effet, le réchauffement climatique, avec la fonte des grands glaciers et les attaques contre la biodiversité, prépare la libération ou la prolifération de nouveaux dangereux virus.
La rupture consisterait aussi à s’extraire des chaînes qu’on tente d’accrocher aux pieds des peuples avec ce qu’ils appellent « la dette ». Quand la Banque centrale européenne fabrique tant de monnaie, l’orientation devrait être non pas de parler de « dette », mais bien de financer des projets du futur. Cet argent devrait donc être accessible directement aux États, sans taux d’intérêt, pour financer le développement des services publics, la transition écologique du tissu productif et la construction d’un pôle numérique public européen pour gagner en souveraineté numérique.
Tout euro versé par la puissance publique devrait désormais être conditionné à l’engagement des entreprises à opérer une mutation sociale et environnementale de la production et à donner des pouvoirs nouveaux aux salariés.
La rupture consisterait à cesser ces traités de libre-échange au bénéfice de projets de coopération nouveaux dans tous les domaines, et à stopper la course aux armements pour dégager ces masses énormes d’argent au profit d’œuvres de vie.
La rupture, c’est aussi agir pour changer radicalement les bases du projet européen, en commençant par cesser cet alignement mortifère sur la domination allemande et ses alliés. Un changement de rapport de forces pourrait commencer par rechercher de nouvelles alliances avec les pays du Sud, dont on mesure aujourd’hui le terrible affaiblissement par les choix austéritaires.
Nous n’avons pas l’illusion de croire que le pouvoir s’engagera dans cette voie progressiste malgré les bavardages présidentiels, synonymes d’enfumage. C’est le rapport des forces initié par l’unité populaire qui peut le permettre dans une visée de changement de pouvoir et de société. Les salariés, les citoyens qui font l’expérience de l’auto-organisation et de la solidarité peuvent se donner les moyens de bousculer la donne pour que demain ne ressemble pas à hier.
Mais, il faut avoir conscience que ce « demain », cet « après » se préparent maintenant dans un processus de luttes pour des conquêtes sociales, démocratiques, écologiques et pacifiques nouvelles.
24 – 25 avril 202