Cela fait quelques mois que cette question me trotte en tête, de manière réccurente, sans que je ne sois jamais arrivée jusqu’à aujourd’hui à formuler très clairement cette impression bizarre, ressentie en tant que blogueuse.
Lorsque j’ai démarré A l’évidence (ou BHrumeur comme me disent souvent les fidèles lecteurs et amis;-), j’avais envie d’écrire et mettre plus en forme un rituel que j’avais alors: tous les matins, alors que j’effectuais ma petite revue de presse, j’envoyais à mes proches une ou deux infos croisées et qui me semblaient importantes, ou en tout cas suffisamment uniques pour qu’elles méritent un peu plus d’attention que d’autres… dans notre flux quotidien d’infos. Demandant conseils à deux amis (dont un américain), ceux-ci me conseillaient de commencer un web-blog, journal en ligne personnel, plutôt que de démarrer directement par un site: un blog permettrait de voir si je pouvais “tenir la route”. J’ai donc mis le doigt dans l’engrenage, ai commencé à découvrir d’autres univers, à partager des commentaires, à participer à des discussions, à regarder le flux des stat, à être fière du premier lien vers un de mes billets, à prendre le pli… à devenir blogueuse, tout simplement.
Le blog me plait. J’aime le blog. Il m’apporte et me nourrit autant que je lui apporte et le nourrit. Bloguer prend du temps, c’est à la fois amusant, mais aussi rageant, agaçant (surtout lors d’une campagne présidentielle). C’est passionnant tout autant qu’aliénant aussi, d’une certaine manière. On pense “blog”, on lit “blog”, on est soi dans son blog mais aussi un autre; un pseudo mais aussi un être humain qui a simplement trouvé via le net un moyen d’expression libre (tout du moins dans un pays comme la France, et encore, on ne sait si cela durera) et fabuleux. Une chose compte aussi beaucoup à mes yeux: le plaisir que je prends à bloguer, et l’échange dans lequel on se place alors avec d’autres, simples lecteurs ou blogueurs. Sans cela, le blog n’est plus…
Il y a des dangers dans le blog: croire, parce qu’on est lu, que sa pensée est juste et justifiée. Certains prennent de l’assurance via leurs blogs, osent affirmer des choses qu’ils n’auraient peut être pas affirmées autrement, et pensent, parce qu’on les lit, que ces choses ne sont pas si idiotes que ça… cela leur donne logiquement confiance en eux, en retour. On pourra parler de blogs thérapeutiques, de blogs militants, de blogs techno, de blogs bd, de blogs jeux, de blogs écolo, de blogs second live, de blogs d’ado, de blogs de mode, de blogs d’artistes, etc… On trouvera derrière chaque blog un ego, plus ou moins affirmé, un scène sur laquelle chaque auteur aime démontrer ou montrer… Une bonne amie (blogueuse et rencontrée via le blog) parle de maison que l’on visite lorsque l’on blogue, un petit chez soi, des petites habitudes, un certain décor. Et je crois que j’aime cette définition. Elle est juste et adaptée au soin que chaque blogueur aime donner à son journal.
Lorsque l’on est blogueur, on entre aussi dans une logique. On “référence” son blog, on repère chez les autres quels widgets ils utilisent, on apprend à lire la blogosphère, on se construit ses propres rites. Puis il y a des classements. Wikio pour n’en citer qu’un, par exemple. En général les blogueurs historiques se retrouvent en tête des classements, mais cela ne suffit pas. Les liens que les autres blogueurs feront vers vous (et vos billets surtout) sont importants, que dis-je (!), essentiels pour progresser dans le classement. Votre audience aura un rôle, mais les blogs les plus fréquentés ne seront pas forcément les plus intéressants.
blogosphère galaxie high-tech (un secteur où s’amorcent les tendances) offre des signes avant-gardistes de l’évolution des blogs tout court. “Ça vaut peut-être la peine de faire attention”, précise-t-il… avant de laisser la parole à Narvic, au sujet de l’effet des blogs sur les médias, et vice-versa. On notera aussi ce billet de Fred Cavazza dans lequel il livre lui aussi son sentiment: “Je ne saurais trop expliquer pourquoi mais j’ai comme l’impression que la blogosphère va progressivement perdre son innocence et rentrer dans une phase plus… industrielle. Celle où l’on brasse de l’argent, celle où l’on s’insulte par billets interposés (même dans un cadre professionnel), celle où les égos débordent des claviers.” Versac a arrêté de bloguer, lassé d’être en tête des classements Wikio justement, lassé d’être devenu malgré lui un soit-disant “blogueur influent” et ne plus être lu pour ses écrits mais pour ce qu’il était devenu. Lassé d’être harcelé aussi, limite agressé.
Je n’irai pas jusqu’à dire que la blogosphère “écolo” en est arrivée là, non. Mais de manière générale le blog devient systématique, industriel pour reprendre le terme de Fred Cavazza. Le blog devient recommandation, outil de com, outil de marketing, outil pour se faire connaître… Chaque boutique en ligne, par exemple, aura son propre blog (je ne parle pas des blogs qui ont mené à la création de commerces en ligne car les blogueurs réalisaient alors qu’il s’agissait d’un moyen de prolonger leur passion et de passer à l’acte, mais de ceux qui bloguent parce qu’ils ouvrent leur boutique par exemple). L’entrepreneur blogueur, lorsqu’il blogue bien, est passionnant. Mais certains iront faire de l’info pour faire du contenu et du référencement uniquement. Certains se prennent au jeu et deviennent blogueurs malgré eux et il est facile de les reconnaître et de les apprécier ensuite. Mais ils guetteront le moindre classement, le moindre référencement, iront faire la promo de leur blog (ce genre de sollicitation ne cesse de s’accroître)… et à chaque fois se posera la question de la frontière entre info et vente, entre sincérité, transparence et objectif du blog… Certaines boutiques n’hésitent pas non plus à ouvrir un blog dont le contenu sera assuré par des blogueurs ou des agences de com’…
En somme, certains ont un blog parce qu’il faut avoir un blog aujourd’hui. Le blog est devenu norme, mais les normes du blog tel que je le conçois ne sont plus vraiment celles du blog à venir. Des blogs pour lequels on parle pub (les régies pub se précipitent pour vous solliciter et vous demander de l’espace), dans lesquels on ne cite plus ses sources, où l’on cherche à être le premier à mettre en ligne un scoop, où l’on reprend des communiqués tout faits ou alors où l’on ne fait presque plus de liens, de fait, vers d’autres blogueurs…
Alors oui, je crois que nous pouvons affirmer haut et fort aujourd’hui que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du blog… Je conçois parfaitement que certains, comme Presse Citron, avec la notoriété et le trafic qui leur sont propres, choisissent de devenir blogueurs professionnels (il le dit si bien en détaillant les raisons de son choix, “c’est un peu le rêve de tout être humain d’arriver à vivre de sa passion” et lorsque l’on a le virus de l’info - ainsi que je l’ai aussi…je le comprends entièrement, notamment avec le temps que peut représenter un blog…) Mais aura-t-il le même rapport à sa passion et la même liberté en en faisant son activité? Je comprends aussi que les blogs deviennent aujourd’hui un outil à part entière pour des entreprises, qu’ils fassent partie d’un plan com… mais cette forme de blog est résolument nouvelle et peut être un peu industrielle, en effet… Doit-on distinguer désormais les “Stone Blogueurs” des “Iron Blogueurs”, des tendances “âge de pierre” aux tendances “âge de fer”? C’est fort probable… vous ne trouvez pas?