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Moi, la grue, de Barbara Polla et Julien Serve

Publié le 24 avril 2020 par Francisrichard @francisrichard
Moi, la grue, de Barbara Polla et Julien Serve

Conte philosophique ou dialogue poétique? Les deux, ami lecteur. Tel, pour toi, se présente Moi, la grue. La grue qui, souviens-t'en, a plusieurs acceptions en français, langue qui sait si bien jouer avec les sens:

- un grand oiseau;

- une femme légère et vénale;

- une machine à soulever les charges.

C'est dans cette dernière acception qu'il faut, en principe, prendre ici le terme. Même si l'auteure s'amuse par moments à confondre les trois, pour introduire dans son texte une ambiguïté pleine de malice.

Ces machines elles-mêmes ne sont après tout que des humains est d'ailleurs la dernière phrase, signée August Strinberg, que Barbara Polla a mise en épigraphe, pour ouvrir des perspectives à son propos.

Les machines sont des créations de l'Homme et en sont en quelque sorte les porte-parole muets, parce qu'elles sont l'illustration de son génie et de sa transformation personnelle comme celle de la nature.

Le grutier (c'est Lui) et la grue (c'est Moi) parlent tour à tour. Ils sont inséparables le temps d'un chantier, encore que la séparation est tout de même douloureuse pour Moi les week-ends et pendant les fêtes.

L'auteure a étudié homme et machine, qui forment un couple beaucoup plus intime qu'on ne le croit: ces deux solitaires ne passent pas autant de temps l'un avec l'autre sans que cela déteigne l'un sur l'autre.

Cette étude est même parfois assez technique pour ce qui concerne la machine elle-même que Lui décrit très bien en employant les termes propres au métier, et assez psychologique pour ce qui le concerne.

La grue n'est pas exempte de sentiments. Quand Moi n'est pas au travail, elle danse. Cette danse singulière est celle qu'elle exécute quand le grutier la met en girouette en partant: divertissement salutaire.

Parmi les dernières innovations en matière de grues, il y a les topless, des grues qui sont sans tirants pour tenir la flèche ou la contre-flèche. Il aurait été improbable que Moi n'utilisât pas l'expression:

Le plus souvent, il faut le dire

les grues sont méprisées

Au mieux elles sont ignorées

Et méprisées encore plus

quand elles sont topless

D'ailleurs le topless est mal vu

Que l'on soit grue ou non

Comme dans la vraie vie, tout a une fin. Ici c'est la fin de chantier, qui n'est plus ce qu'elle était. Naguère les couples se juraient fidélité pour la vie. Ce n'est plus le cas. Il en est de même pour Lui et pour Moi:

Carpe diem...

Francis Richard

Moi, la grue: texte de Barbara Polla et dessins de Julien Serve (hormis celui de la page 37, dû à Ella Serve), 72 pages, éditions Plaine page

Livres précédents de Barbara Polla:

Victoire, L'Age d'Homme (2009)

Tout à fait femme, Odile Jacob (2012)

Tout à fait homme, Odile Jacob (2014)

Troisième vie, Editions Eclectica (2015)

Vingt-cinq os plus l'astragale Art & Fiction (2016)

Femmes hors normes, Odile Jacob (2017)

Ivory Honey, New River Press (2018)

Le nouveau féminisme, Odile Jacob (2019)

Collectifs sous sa direction ou sa coordination:

Noir clair dans tout l'univers, La Muette - Le Bord de l'Eau (2012)

L'ennemi public, La Muette (2013)

Éloge de l'érection La Muette (2016)


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