Histoire politique de la contrainte des corps, quelques souvenirs me reviennent en ce moment des lectures fiévreuses que jeune homme j’ai pu faire des ouvrages de Michel Foucault.
Dans ce moment historique de confinement il n’est pas tout à fait inutile d’y revenir. Cela peut aider à comprendre, il me semble, certaines des décisions gouvernementales qui peuvent apparaître comme étant précipitées, sans fondements, inquiétantes.
Mais vu sous l’aspect qu’a si pertinemment dévoilé Foucault d’un système politique qui élabore d’abord toute prise de décision à l’aune de ce que cette décision présuppose de contrainte sur les corps gouvernés on s’explique un peu mieux ce que nous entendons chaque jour : retour à une activité qui se voudrait normale à partir du 11 mai, c’est aussi pour contrôler et ressaisir les corps enfantins et adolescents avant qu’ils ne prennent trop goût à la liberté, même chose sur les corps des fonctionnaires, les ressaisir eux aussi dans des activités de garderies pour permettre aux employeurs de ressaisir à leur tour tous les corps des ouvriers, des employés à revenir à la tâche, leur fonction première.
Cela colle assez bien avec la décision qui semble ahurissante dans ce contexte de ne pas ouvrir les bars, cafés, salon de thé, restaurants et salles de spectacles. Parce qu’ils sont des lieux échappatoires, des lieux d’évitement de la contrainte, des lieux de mises en relations des corps entre eux, des lieux qui donnent de la présence à l’autre. Ce que ne sont pas, plus, les lieux de travail, de transport, d’éducation qui sont d’abord pensés par le pouvoir comme des lieux de contrainte des corps.
Vont donc rester fermés les lieux qui permettent aux corps une expression libre et critique : bars, restaurant, cinéma, théâtre, médiathèque… ces lieux que l’on dit facilitateur de vie sociale.