Emmanuel Macron n’a pas apostasié sa bible néolibérale, tout comme il ne convertira pas le pays au communisme. L’inflexion de son discours, devant l’implacable faillite de la mondialisation capitaliste, consistera, au mieux, à quelques concessions momentanées pour sauver l’ordre établi
Souvenez-vous. C’était en 2008. Au pied du mur de la crise financière, Nicolas Sarkozy, dans son célèbre discours de Toulon, jurait, la main sur le cœur : « Le marché tout-puissant qui décide de tout, c’est fini ! » On allait voir ce qu’on allait voir avec le grand retour de « l’État-providence ». On sait aujourd’hui ce qu’il en fut. Les peuples sont passés à la caisse, tandis que l’État déboursait 360 milliards pour renflouer les banques et détricotait méticuleusement les services publics.
Douze ans plus tard, Emmanuel Macron rejoue la même comédie. « L’État-providence n’est pas un coût mais un bien précieux, un atout indispensable… Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », a-t-il déclaré le 12 mars . De belles phrases brutalement démenties, moins d’une semaine plus tard, par les actes du gouvernement. La vérité, sans fard, est venue du ministre du Budget, Gérald Darmanin, préférant faire la manche par un appel aux dons plutôt que rétablir l’ISF. Voilà « l’État-providence » selon la Macronie. Ou comment vider les mots de leur sens.
C’est dire, pour qui en doutait encore, combien la soudaine réhabilitation de l’État par Macron tient moins d’un virage idéologique que d’une nécessité pragmatique. Une énième supercherie pour calmer la colère populaire. À chaque crise, le libéralisme en appelle provisoirement à un « État fort » pour mieux rebondir.
Alors non, Emmanuel Macron n’a pas apostasié sa bible néolibérale, tout comme il ne convertira pas le pays au communisme. L’inflexion de son discours, devant l’implacable faillite de la mondialisation capitaliste, consistera, au mieux, à quelques concessions momentanées pour sauver l’ordre établi. Lequel produira d’autres crises, pires encore.
Mais, cette fois, les grands de ce monde, qui se croyaient protégés par le mur de l’argent, peu enclins à agir pour les morts de la faim (25 000 personnes chaque jour sur la planète), prennent conscience que, pour eux aussi, c’est un enjeu de survie. Que la santé de chacun dépend de la santé de tous.
24 avril 2020