EDITO L’HUMANITE… »66 repas » Par Sébastien CREPEL

Publié le 23 avril 2020 par Particommuniste34200

Ce qui n’était encore qu’un risque se mue ainsi peu à peu en certitude : la crise sanitaire pourrait faire, sur le long terme, plus de victimes des restrictions imposées que du virus lui-même,

Ne nous leurrons pas : la crise que nous traversons laissera derrière elle un coût social énorme, que ne suffiront pas à éponger les 24 milliards d’euros lâchés en indemni­sation du chômage partiel et les quelques mesures de soutien aux familles les plus modestes, lesquelles devront encore attendre jusqu’à la mi-mai – 22 jours à tenir, 66 repas. Dans les quartiers populaires, où le travail précaire ou au noir était jusqu’à la pandémie le moyen de subsistance principal de nombreux foyers, beaucoup se sont retrouvés du jour au lendemain sans ressource aucune, hors du champ des aides d’État. La prolongation du confinement jusqu’au 11 mai s’est muée en une longue plainte de douleur étouffée face à l’impossibilité de payer les factures, et même de se nourrir.

Qui aurait cru la chose pensable, en 2020 ? Le spectre de la faim rôde à nouveau dans les grandes cités ouvrières de France, s’il n’y avait la solidarité des habitants et de municipalités qui se démènent pour accéder à chaque foyer en dépit de la fermeture des centres sociaux, et l’énergie des associations sur le terrain. Les queues pour la distribution de produits de base – dont certains prix flambent – atteignent des proportions affolantes.

Ce qui n’était encore qu’un risque se mue ainsi peu à peu en certitude : la crise sanitaire pourrait faire, sur le long terme, plus de victimes des restrictions imposées que du virus lui-même, à moins que les solutions neuves qu’on imagine pour le « monde d’après » mûrissent assez vite pour s’imposer dans le « monde d’aujourd’hui » encore confiné. Il y a urgence. Les enjeux pour le présent comme pour le futur sont énormes.

Une note confidentielle du président du Conseil scientifique nommé par le gouvernement appelle le chef de l’État à « impliquer la société » dans la gestion de la crise. Jusqu’alors, chacun a dû se résoudre à une gestion pilotée – confisquée, devrait-on dire – par un exécutif pour lequel la science sert à transformer la décision politique en vérité indiscutable, plutôt qu’à éclairer une délibération démocratique dont l’éviction se paie tous les jours chèrement par le retard pris à procéder aux réorientations que le pays appelle.

23 avril 2020