Photovoltaïque : où en est-on ?

Publié le 23 avril 2020 par Franckbaty @Bouygues_C

A l’origine de la demande en installation photovoltaïque, il y a une croissance de la demande en énergie primaire au niveau mondial. Cette demande, que l’on a vu décroître de manière exceptionnelle pendant la crise du coronavirus[1], poursuit une tendance lourde de croissance rapide au niveau mondial, estimée par certains à +15% dans les 5 années à venir. Parmi les installations électriques déployées pour faire face à cette hausse de la demande, les nouvelles énergies renouvelables côtoient les centrales à énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) ainsi que l’énergie nucléaire. En effet, hors hydroélectricité, les ENR ne produisent aujourd’hui que 4% du mix énergétique mondial. Parmi ces nouvelles énergies renouvelables, la demande se porte désormais sur les panneaux solaires photovoltaïques en priorité, plus compétitifs que les autres systèmes, en particulier dans les emplacements géographiques aux conditions climatiques favorables. D’autres technologies que le photovoltaïque exploitent l’énergie solaire : le solaire thermodynamique à concentration, moins rependu, et le solaire thermique qui permet de produire de l’eau chaude sans conversion en électricité.

Le marché des panneaux solaires photovoltaïques progressant vers la maturité, le prix des panneaux devient un critère différenciant. A ce titre, la capacité de production chinoise domine largement la production mondiale, en particulier en ce qui concerne la matière de base de 90% des panneaux : les cellules de silicium. Cette montée en volume de la production, associée à des gains de productivité, a permis une baisse des prix telle que l’installation de production photovoltaïque explose au niveau mondial depuis une décennie : la puissance installée dans le monde a cru en moyenne de 24% par an entre 2014 et 2017, avec 60% des investissements dans les pays émergents. En France, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PEE) prévoir de multiplier par 4 ou 5 la capacité d’ici 2030. Les professionnels du secteur misent sur une très forte croissance au niveau mondial sur les décennies à venir.

Le marché se décline sous différentes formes. D’une part, les centrales photovoltaïques géantes, permettant de répondre à des besoins énergétiques plus grands par l’occupation de larges surfaces, sous la forme de champs de panneaux solaires. Le modèle opposé est constitué par la mise en place de plus faibles capacités de production, mieux réparties sur le territoire par l’investissement individuel de particuliers, qui installent quelques panneaux sur leur toit ou dans leurs espaces extérieurs. En poussant cette logique au bout, certains vont jusqu’à l’autoconsommation, en reliant directement leur installation solaire à leur réseau électrique domestique, sans être relié au réseau national. Ce modèle vertueux permet aux individus qui en ont fait le choix de mieux se rendre compte au quotidien de leurs besoins énergétiques, et de les assouvir par leurs propres installations locales. Il nécessite toutefois une réflexion en amont, pour limiter les postes de consommation électrique et choisir des appareils économes en énergie, afin d’être capable de couvrir leur usage par leur production. Des batteries sont en outre nécessaires pour lisser l’écart temporel entre la production, qui ne fonctionne que le jour, et la consommation.

Quel bilan environnemental pour la fabrication ?

La montée en volume de la production photovoltaïque en Chine a permis une baisse des prix, mais a également des conséquences néfastes pour les conditions de travail locales et pour l’environnement, avec principalement le rejet de boues et de poudres issues du raffinage du silicium à base de sable. Toutefois, il faut noter que les panneaux solaires photovoltaïques au silicium, qui représentent environ 90% du marché, n’utilisent pas de terres rares dans leur fabrication, mais de faibles quantités d’argent, d’aluminium, de cuivre et parfois du plastique. Il est bon de noter que le silicium est recyclable à 100%, ce qui conduit les panneaux solaires à être recyclables entre 95% et 99% selon les constructeurs, voire proche de 100% pour le fabricant alsacien Voltec Solar. Cela permet de s’assurer que les ressources naturelles extraites pour leur fabrication seront utilisées au-delà de la durée de vie du panneau initial, estimée à environ 25 ans.

Une autre technologie, les panneaux photovoltaïques à « couche mince », est pour sa part nettement plus néfaste pour l’environnement, avec l’utilisation de métaux rares (Tellure, Damium, Indium) potentiellement toxiques pour les installateurs et exploitants en cas de rupture accidentelle des panneaux. Elle ne représente toutefois qu’environ 10% du marché.

Des pistes d’innovation

Au-delà de ces panneaux au silicium et à couche mince, une troisième technologie est en cours de développement, basée pour sa part sur des éléments d’origine organique. Les films Asca mis au point par la société Armor et l’INES à Nantes, comportent des matériaux bio-sourcés et d’autres avantages : ultra-fins, légers, souples, semi-transparents et recyclables, ils peuvent s’adapter à des formes architecturales plus diversifiées, comme les dômes, les surfaces vitrées des bâtiments et les serres agricoles. Reste à connaître le prix et le rendement énergétique de ce dispositif pour comprendre la place qui lui est réservée sur ce marché promoteur. L’entreprise Armor investit dans un outil de production d’une capacité d’un million de mètres carrés de film photovoltaïque par an, dans le but de faire baisser les coûts.

Une autre piste d’innovation est l’amélioration du rendement des panneaux photovoltaïques. Pour cela, des chercheurs en mathématiques appliqués comme Athmane Bakhta travaillent pour optimiser les caractéristiques idéales du matériau de base, afin de lui permettre de mieux conduire le courant électrique sous l’effet de la lumière, et ainsi capter une fraction plus importante de l’énergie solaire. Actuellement, les meilleurs panneaux photovoltaïques offrent un rendement énergétique d’environ 28%.

Enfin, il est nécessaire d’améliorer nos capacités de stockage d’énergie électrique afin de permettre d’utiliser celle-ci en décalage avec la période de production. Ces batteries représentent elles-aussi un enjeu environnemental, car elles sont polluantes à produire pour certaines d’entre elles, comme les batteries Nickel-Hydrure métallique NiMH qui utilisent des terres rares dans leur production. Un autre moyen de stocker cette énergie est de la convertir en un autre type d’énergie, par exemple en pompant de l’eau dans des réserves de barrages en période de pic de production pour la restituer en période de pic de consommation.

Où construire des centrales solaires ?

Une autre problématique réside dans les vastes terrains consommés par l’installation de capacités de production photovoltaïque. Celle-ci est en effet très consommatrice d’espace, surtout si on la compare aux énergies fossiles, qui utilisent des combustibles concentrant beaucoup d’énergie, et encore plus comparée à l’énergie nucléaire, qui est à la fois décarbonnée et non renouvelable. Cet espace empiète malheureusement souvent sur des terres agricoles, nécessaire pour produire notre alimentation et donc la base de notre économie. Comment répondre à ce dilemme ?

Placer des panneaux photovoltaïques sur des constructions existantes, par exemple sur les toits de maisons correctement orientés, permet de ne pas empiéter sur des terres agricoles. Ainsi, toute initiative visant à favoriser la commande et la pose de matériel de qualité par les particuliers est intéressante à prendre en compte. Certains proposent d’autres alternatives : les projets agrivoltaïques consistent en l’installation de centrales solaires au-dessus d’exploitations agricoles, en coordonnant les deux exploitations. L’orientation automatique des panneaux articulés doit permettre de réguler l’apport solaire sur le sol, tandis qu’ils produisent de l’énergie. Une expérimentation a déjà été installée dans le Sud de la France, tandis que le Japon s’investit massivement dans cette voie, dans un contexte de foncier rare.

Enfin, une solution nouvelle consiste à exploiter des plans d’eaux tranquilisés pour de vastes installations photovoltaïques. Cette approche a d’abord été expérimentée en Chine et au Japon avant d’arriver en Europe, par exemple avec la centrale de Piolenc dans le Vaucluse, dont les 47 000 panneaux produisent 17MWc. Cette solution présente plusieurs avantages : elle évite tout conflit d’usage avec les terres agricoles, nuit peu à la biodiversité, permet de limiter l’évaporation de l’eau et surtout de donner une deuxième vie à diverses zones délaissées : lacs, bassins, canaux d’irrigation et digues protectrices – comme aux Pays-Bas, où on estime à 8GW le potentiel de production du photovoltaïque flottant – et retenues d’eau des barrages.

Aujourd’hui, certains rêvent d’aller plus loin, en adaptant cette technologie à la haute mer. Avec des systèmes intelligents permettant de repositionner des panneaux flottants orientables selon la force de la houle et du vent, certains estiment que l’on peut bâtir de véritables îles flottantes en pleine mer. Cela permettrait de les positionner sur des emplacements où la navigation est impossible, comme par exemple dans les espaces inutilisés entre les éoliennes offshores. L’un des avantages de ce système photovoltaïque, s’il fonctionne, est sa résilience : une centrale flottante en mer ne sera en effet pas menacée par la montée du niveau des mers, estimée entre 1 mètre et 1m80 pour les rivages de la mer du Nord en 2100, d’après l’université d’Utrecht. Un nouvel horizon pour la production d’énergie décentralisée.

[1] A l’heure où nous écrivons ces lignes, la France est dans sa troisième semaine de confinement dans le cadre de la crise du covid-19, et l’on a constaté une baisse de la demande en énergie électrique de 10 à 20% en France sur les deux premières semaines de confinement.