Un temps de Parisien enveloppe Marseille d'une ouate épaisse et grise. Ça change des 300 jours d'ensoleillement par an dont on se vante par ici. Il faut arroser le peu d'espaces verts que compte la ville, tremper le massif des Calanques qui respire un peu, sans humains, doucher l'empressement des promeneurs, remiser temporairement shorts et sandales. Mes deux voisines de l'immeuble d'à côté, au troisième, côté rue, côté soleil habituellement, n'exposent plus leurs rondeurs constellées de tatouages. Devant la supérette en bas de chez nous, on fait crisser sur le bitume détrempé ses claquettes-chaussettes, on ne s'embarrasse pas d'élégance, on s'emmitoufle dans sa couverture ornée de Mickeys, on tire sur sa laisse, on attend sa maîtresse, on picore des miettes de pain, on esquive les coups de pieds, on bat des ailes. La petite m'emmène dans l'impasse, elle aboie après le chat qui nous observe, imperturbable. Pendant qu'elle cherche l'inspiration, j'aperçois un bout de câble enroulé autour d'une ligne électrique, j'y vois un R majuscule auquel je peux accrocher les restes des mots ribambelle, ravigotant, remue-méninges, retrouvailles, rigolo, roudoudou. Ou rêver.
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