Au sortir de l’hiver, ce sont des jours sombres qui s’abattent sur nous. Jours de repli, aux confins de soi.
Un lecteur est familier de ce retrait in angulo cum libro, selon la citation reprise par Pascal Quignard ou Werner Lambersy – pour quelques heures propices. L’expression est joliment formulée en néerlandais : in een hoekje met een boekje.
Notre quotidien est tout autre, fait de rencontres, d’activités. Il faut pouvoir laisser le livre et sortir, marcher, retrouver des amis, entrer dans un café ou une librairie.
Dans cette période qu’on pourrait appeler « La Halte Obscure », titre d’un recueil de Paul de Roux paru chez Gallimard en 1993, il nous faut nous armer de plus de patience. Nous gardons une sorte de nostalgie des jours qui paraissaient légers, comme Proust lisant sous le couvert des tilleuls, même s’ils ne sont enfouis que de quelques semaines.
Paul de Roux imposait parfois aux poèmes une manière de confinement temporaire. Cette forme de patience, qu’il s’appliquait à lui seul, allait de pair avec la recherche d’une certaine bonification, d’une maturation. C’est ce qu’il évoque dans son poème « Au courrier », extrait de « La Halte Obscure ».
Je reçois des vers du Luxembourg
et je n’ouvre pas tout de suite la grande enveloppe
(je sais que ce sont des vers et quel est l’ami
dont l’écriture a tracé mon adresse).
Peut-être est-il bon que les vers, un moment,
fassent rêver, que quelque chose en eux
soit pressenti ou appelé – leur perceptible
et intraduisible substantia, dirai-je,
– elle qui n’a ni définition ni statut…
Contribution de Philippe Fumery