Mais si la crise sanitaire ne s'éternise pas, du moins pas au-delà du mois de juin, il est raisonnable de penser que les fondamentaux de marché des zones urbaines tendues – notamment Paris et l'Ile-de-France – resteront solides et qu'une forte correction des prix dans ces zones demeure peu probable. Coup d'arrêt pour l'immobilier ancien : rendez-vous d'estimation et visites physiques des biens reportés, production de crédits immobiliers très fortement ralentie, signatures d'actes authentiques repoussées à la fin de l'état d'urgence sanitaire... après plusieurs années d'euphorie, la paralysie du marché est brutale. Si certains observent déjà un impact sur les prix de l'immobilier, tout porte à croire que cela restera à court terme un épiphénomène, ciblant uniquement quelques biens lié à de rares vendeurs contraints de vendre malgré le contexte actuel, et qui consentent des baisses de prix de 10 à 20%. Ce ne sera pas nécessairement l'occasion de faire des affaires tant ces opportunités sont rares et risquées.
Certes, la crise sanitaire risque d'avoir des conséquences importantes sur le moral des ménages et leur pouvoir d'achat, notamment si elle perdure au-delà des 6 semaines de confinement préconisées par le comité scientifique : certains risquent de perdre leur emploi, d'autres de voir leur pouvoir d’achat légèrement diminuer en raison du chômage partiel.Il reste pourtant fort à parier que la demande continue très largement à surpasser l'offre dans les zones urbaines tendues, à l’instar de Paris, où le nombre d'acheteurs est supérieur de 26% au nombre de biens à vendre. Cette forte demande devrait permettre aux grandes villes dynamiques de résister à une éventuelle baisse de prix dans les mois à venir, de même que leur plus forte proportion de cadres en CDI et en capacité de télé-travailler.
D'autres facteurs devraient continuer d'alimenter la tension : ruée sur l'immobilier d’investisseurs à la recherche de valeurs sûres et tangibles, par anticipation d'une crise économique et d'une potentielle inflation en sortie de crise, des taux de crédits qui resteront très faibles tant que ce sera nécessaire pour relancer l'économie, report de l'investissement immobilier commercial devenu risqué sur le résidentiel, et diminution à court terme de la production et de la commercialisation de nouveaux programmes dans le neuf.
En revanche, si la crise a contrecarré les plans immobiliers des vendeurs et candidats acquéreurs, créant un engorgement prévisible pour la fin du confinement, il est vrai que les vendeurs sont globalement plus contraints (achat en cours, succession, divorce, mutation...) que les acheteurs qui vont pour certains être attentistes et reporter leur projet à la rentrée prochaine. Mais là encore, la demande nettement supérieure à l'offre dans les grandes agglomérations devrait permettre d'absorber ces effets.
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Le nombre de prêts immobiliers accordés à fin février a baissé de 13% en trimestre glissant selon le baromètre de l’Observatoire Crédits Logement/CSA. Et depuis le début du confinement, le 16 mars dernier, le crédit immobilier fonctionne au ralenti – voire ne fonctionne plus – avec de très rares nouveaux dossiers ouverts. Mais que prévoir pour la sortie de crise ? Au-delà des considérations au sujet de la capacité des banques à absorber l'engorgement prévisible en sortie de confinement, il est raisonnable de penser que l'État et les Banques Centrales vont actionner la planche à billets pour les entreprises, mais également pour les ménages afin d'éviter l'enlisement, et que les taux devraient rester bas.
Le deuxième paramètre important est le volume de crédits. Pour le moment, il est encore trop tôt pour se prononcer quant à l'assouplissement potentiel des conditions d'octroi de crédit immobilier par les banques : il dépendra de la profondeur de la crise, et donc du besoin ou non de prévenir d'une surchauffe liée aux anticipations sur le chômage et autres difficultés économiques. Rappelons cependant que le crédit immobilier en France a de la marge avec un taux de défaut très faible, notamment comparé à nos homologues outre-Atlantique, en raison des nombreuses sécurités qui lui sont imposé. Il est certes tentant de faire un parallèle avec la crise des subprime de 2008 qui a vu les prix des appartements anciens à Paris baisser de 8,8% entre le point bas au 2ème trimestre 2009 – au plus fort de la crise – et le point haut au 3ème trimestre 2008. Mais la situation actuelle est tout autre. Il s’agissait en effet à l'époque d'une crise du système bancaire, conduisant à une hausse des taux de 3,5 à 6%, et un durcissement des conditions d'octroi du crédit, et donc à un impact direct sur la capacité financière des candidats acquéreurs. De même, les extrapolations avec la crise de la guerre du Golfe sont très difficiles tant la situation est différente et la crise sanitaire inédite.
En revanche, une autre crise, certes dans une moindre intensité, semble plus proche de celle que nous traversons actuellement : l'épidémie du SRAS à Hong-Kong en 2003. Selon une analyse réalisée par la start-up américaine Zilow, celle-ci n'a eu à l'époque qu'un impact temporaire sur les volumes et aucun impact sur les prix. Selon cette même analyse, en Chine, les premiers chiffres de l’année 2020 indiquent une chute du volume de transactions, mais sans effet sur les prix.
A propos de l'auteur : Paul-Henri Chopin est cofondateur de la néo-agence Hosman.