Apprendre, c’est se transformer. Les nouvelles connaissances modifient nos représentations de nous-mêmes et du monde qui nous entoure. En nous donnant les moyens de changer nos comportements, nous agissons. Pour que cela marche, il faut accueillir la nouveauté, même lorsqu’elle nous dérange. C’est encore plus vrai lorsque l’apprentissage se fait en groupe. Petit traité de métamorphose en direct des bancs de l’université de Paris III.
Depuis quatre ans, je forme à l’intelligence collective des étudiants de Paris III Sorbonne-Nouvelle et des directeurs de projet d’une grande entreprise française. Peu à peu, un enrichissement mutuel inattendu s’est produit entre ces deux parcours très différents au départ. Pour les étudiants, l’ambition était clairement affichée de les faire bénéficier d’un enseignement professionnalisant, avec des exercices inspirés du travail en entreprise, soumis à des impératifs d’efficacité. A l’inverse, je n’avais pas imaginé que les directeurs de projet bénéficieraient des expériences menées avec les étudiants. Le cadre et l’une ambiance propice à l’innovation comportementale y sont pour quelque chose.
Avec l’aide de l’intelligence collective
Pour les directeurs de projet, la difficulté consiste à passer d’une logique de compétition (y compris sous sa forme bienveillante d’émulation facétieuse) à une logique de coopération. Comme à l’université Paris III, je propose une série d’exercices en binôme, puis en sous-groupes de trois ou quatre, en changeant à chaque fois la taille et la composition des équipes. Cette variété des formats garantit qu’à la fin du premier jour, chacun aura travaillé au moins une fois avec tous les autres. Le but est que chacun apprend à se connaître, à se faire confiance et à valoriser la diversité des points de vue, des compétences et des expériences. Après chaque exercice, un débriefing approfondi souligne ces points. Le facilitateur interroge les participants sur leurs ressentis. La « membrane » de l’intelligence collective se constitue peu à peu. La bienveillance de tous permet à chacun d’entrer sans crainte dans un processus de transformation de ses comportements et des valeurs ou croyances qui les sous-tendent. Le laisser-faire est ici un laisser-devenir.
Métamorphose dans les relations personnelles
Si le concept de transformation s’applique habituellement aux organisations, il fonctionne également dans les relations interpersonnelles, ainsi qu’au niveau personnel. On accorde beaucoup d’attention aux questions de gouvernance et de structure, aux outils, aux méthodes, en oubliant que la justesse des intentions posées constitue un facteur de réussite primordial pour le changement. Le formateur décidé à accueillir toute manifestation de résistance à de nouveaux savoirs offre, par son exemple, un repère apaisant facilitant l’apprentissage. Lâcher prise, c’est aussi faire confiance au groupe. La bienveillance active se manifeste dans l’attention portée aux uns et aux autres : dans l’effort d’écouter, de s‘interroger sur le point de vue de l’autre et sur ses motivations. En retour, ce que l’on apprend sur soi-même nous rend plus libres de prendre du recul sur nos comportements, de vivre nos émotions de manière authentique sans nous laisser embarquer par elles. Nous devenons libres d’agir en pleine conscience.
Au-delà du changement
A travers cet exemple, nous pouvons envisager une conception de la métamorphose différente de l’approche occidentale classique. Celle-ci se caractérise par l’énonciation de buts, quantifiés par des indicateurs de réussite, au service desquels on va mettre en œuvre une stratégie, des ressources humaines, matérielles, financières et méthodologiques. Suivant un déroulement linéaire marqué par des jalons, la transformation à l’occidentale ne manquera pas de susciter des résistances. On les gèrera au moyen d’une conduite de changement, avec un plan de communication plus ou moins respectueux des individus et de leurs besoins. L’action joue ici un rôle primordial. Une autre approche, fondée sur une logique de flux, consiste à transformer les menaces en opportunités, à tirer parti des forces en présence, à les laisser agir selon une dynamique propice, non pas à l’atteinte d’objectifs précisément déterminés à l’avance, mais à la protection et à la satisfaction de nos intérêts. Cette approche de la transformation pourrait s’appeler métamorphose, ou reconfiguration. Inspirée des philosophies orientales, elle a été décrite par François Jullien dans son Traité de l’efficacité (Édition : Livre de Poche, 240 p, 2002) et elle inspire également la pensée de l’économiste Peter Drucker. D’un point de vue pédagogique, on insistera plus sur l’idée de donner envie, de créer un cadre rassurant, et de proposer les connaissances comme des moyens d’acquérir plus de pouvoir sur les événements. Puis on laissera faire l’envie d’apprendre.
Robert de Quelen
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