Le 18 juin, nous lancions notre appel à l’Egalité ! Avec le Think Tank Marie Claire, le Connecting Leaders Club, et sous les auspices de l’Unesco, nous avons remis au Gouvernement soixante propositions sur la parité femme-homme qui vont faire bouger les lignes. Pour anticiper ce changement, nous avons invité quatre étudiants de l’ESSEC (deux filles, deux garçons) pour qu’ils nous livrent leur vision. Le ressenti de Sixtine Desmarchelier est à mi-chemin entre l’enthousiasme et la déception. Elle souligne aussi pourquoi ces questions sur les femmes sont au centre de son propre futur. Perso et pro.
Avant cette journée, mon opinion sur le sujet de l’égalité homme-femme était déjà assez formée : les inégalités sont encore bel et bien réelles, même si de grandes avancées peuvent être constatées. Les écarts salariaux, les stéréotypes, les discriminations, le harcèlement et j’en passe, persistent encore. Je regrette que de nombreuses personnes regardent plus le chemin parcouru que le chemin qu’il reste à faire. Pour moi, il s’agit de célébrer les avancées mais d’accepter qu’il est encore trop tôt pour pouvoir se reposer. Je pense que l’on peut résumer mon point de vue comme frustrée, mais optimiste. Frustrée par ce mythe de « l’égalité déjà atteinte » mentionné par Marlène Schiappa*, mais optimiste grâce au volontarisme de nombreuses entreprises sur le sujet. Pour moi, l’égalité homme-femme fait partie de ces sujets pour lesquels il est tentant de tomber dans le cynisme, mais je veux résister à cette tentation, afin d’être actrice du changement, plutôt que de l’observer de l’extérieur.
Le 18 juin, l’Appel pour l’égalité
Cette journée de l’Appel pour l’Egalité, en particulier, m’a confortée dans mon opinion parfois, bousculée ou déçue à d’autres moments, mais surtout motivée à agir. Elle a, surtout, mis en avant la multiplicité des voies d’actions et des acteurs volontaires à leur implémentation. En tant qu’étudiante, j’ai plus facilement accès aux côtés sociaux et militants de ce sujet et finalement, peu à ce qu’il a d’important et de concret dans le cadre professionnel. Il était donc très intéressant pour moi de confronter la vision que j’avais à celle d’hommes et de femmes d’entreprises. Cependant, ayant travaillé pendant une année sur ces questions avec les ressources humaines du groupe L’Oréal dans le cadre d’une chaire de l’ESSEC, j’attendais de cette journée qu’elle complète mes réflexions sur le sujet. J’espérais entendre des propositions différentes de celles que nous avions avancées lors de notre propre présentation afin de pousser la réflexion sous un angle que je n’avais peut-être pas envisagé précédemment.
Aller au-delà de la durée du congé parental
Certaines propositions m’ont semblé basiques, sûrement parce que j’ai osé espérer que ces idées étaient déjà devenues inutiles. Par exemple, l’allongement du congé paternité ou parentalité à un mois, comme proposé par Aurélie Feld, présidente de CSP-The Art of Training, me semblait couler de source. Mais force est de constater qu’un congé d’une telle durée reste extrêmement rare dans les entreprises. Ensuite, le fait que certaines propositions soient de simples demande d’application de telle loi, charte, ou régulation m’attriste sur l’état de stagnation de ces questions dans certaines sphères. Découvrir que la loi Zimmermann-Copé sur la présence des femmes dans les organes de direction est si peu respectée me semble désespérant. Cependant plusieurs propositions apparaissent particulièrement pertinentes dans leur cadre d’application. Voici un court résumé des éléments qui ont marqué ma journée.
Role model for ever
De manière générale, le thème des role models revenait régulièrement dans la conversation, et l’intervention de Dominique Carlac’h*, vice-présidente du Medef, à ce sujet m’a beaucoup marquée. L’idée de mettre en avant des role models, en soi, n’a rien de renversant, mais j’ai beaucoup été touchée par la manière avec laquelle elle l’a présentée. En effet, elle a beaucoup insisté sur l’importance de la visibilité de la diversité des profils et des carrières féminines en entreprise. Selon elle, les femmes doivent créer leur propre chemin, sans se baser sur ce qu’elles ont vu des hommes. C’est ainsi qu’elles réussiront le mieux. Pour le moment, selon elle, nous nous calquons principalement sur les modèles de carrières que l’on connaît aujourd’hui (majoritairement masculins) et basés sur des attributs associés avec ce qu’est l’idée d’« être un homme ». Pour des questions personnelles, cette intervention a beaucoup résonné, car je suis à un moment de mes études où je dois choisir entre faire ce qui me plaît et me passionne ou bien suivre un parcours plus classique afin de prendre un chemin pré-tracé jusqu’au type de poste que je souhaite atteindre. À la suite de cette intervention, je me suis demandé : pourquoi est-ce que les deux seraient mutuellement exclusifs ?
D’autres thèmes, comme ceux de la violence ordinaire ou du sexisme bienveillant sont beaucoup revenus. Ce sont des concepts pour lesquels je n’avais pas de mot, et il est très important pour moi de pouvoir les nommer, pour en parler et mieux les identifier. C’est une façon de souligner qu’il y a trop de comportements auxquels nous, les femmes, sommes habituées et auxquels nous ne réagissons plus, alors que si nous vivions une égalité parfaite, ces situations n’auraient pas lieu.
Oui aux quotas…
En outre, j’ai été très marquée par la remarque faite par Dominique Carlac’h et Aurélie Feld entre autres, lorsqu’elles expliquaient qu’elles sont « devenues favorables aux quotas ». Bien qu’étant contre à l’origine, elles ont réalisé qu’ils s’imposaient comme le seul moyen de faire avancer les choses. Je trouve ça intéressant qu’elles aient changé d’avis parce que beaucoup de femmes refusent tout simplement cette idée.
L’idée des role models s’insère plus largement dans la problématique de la communication autour des inégalités et de la visibilité des femmes en entreprise. C’est une problématique qui me concerne beaucoup et l’ensemble des propositions en lien me paraissent très pertinentes. Par exemple, celle relevant de la santé qui proposant le déploiement d’une campagne gouvernementale nationale de sensibilisation aux différences entre hommes et femmes m’a paru intéressante. En effet, 30% de nos gènes s’expriment différemment et cela a son importance en ce qui concerne la posologie, les études de médecine, la recherche, etc.
… et aux noms des femmes dans les lieux publics
En ce qui concerne la visibilité, j’aime beaucoup la volonté de valoriser les artistes femmes en donnant leur nom à des rues, salles et autres lieux publics. Cette proposition se démarque par la facilité de sa mise en œuvre. Elle aura, je pense, un impact fort. Pour ce qui est de la représentation, Sibyle Veil*, PDG de Radio France, a déclaré « en tant que média, on doit être exemplaire ». Oui, cela me paraît essentiel car les médias moulent et influencent en grande partie de la société. Avoir plus de femmes à l’antenne (40% du temps d’antenne à Radio France pour le moment et seulement 36% d’expertes) ressemble à un premier pas vers une meilleure représentation. Cela peut lutter contre des stéréotypes omniprésents dans les médias. À ce sujet, j’aime beaucoup l’idée d’inclure l’image des femmes dans les critères de surveillance du CSA.
L’intervention de Flavie Flament, qui évoque le viol qu’elle a subi par un photographe à l’âge de 13 ans et son échec pour le poursuivre pour cause de prescription, m’a beaucoup touchée pour des raisons évidentes. Elle a surtout permis d’insister sur l’importance du juridique dans la question de l’égalité homme-femme. Protège-t-on vraiment les femmes ? Qui écrit les lois ? Cela nous projette donc sur l’importance d’avoir une meilleure représentation des femmes dans toutes les professions et à tous les niveaux pour éviter ce genre de problèmes.
Égalité des sexes dans l’IA
Ce sujet de représentation des femmes a aussi été abordé dans ce qui aura de plus en plus d’importance : l’intelligence artificielle. Si l’on veut une IA juste, il faut qu’elle soit aussi élaborée par des femmes, sinon les biais mêmes les plus inconscients seront codés et donc reproduits par l’IA. Une proposition ayant attrait à la représentation des femmes dans l’éducation m’a aussi beaucoup plu par sa facilité à mettre en œuvre. Il s’agit de mettre en avant davantage les profils féminins dans les manuels et programme scolaire pour mieux combattre les stéréotypes.
L’égalité comme condition aux subventions
D’autre part, je suis persuadée que malgré tout pour les entreprises, l’argent est le nerf de la guerre. Donc je pense que les propositions souhaitant agir sur les subventions et la fiscalité peuvent se révéler particulièrement efficaces. Cela concerne par exemple la proposition de moduler les subventions publiques à destination des médias en fonction de leur exemplarité. Au même titre, l’idée de mettre en place des mesures d’incitation fiscale déductible pour les entreprises qui allouent une partie de leurs bénéfices au rattrapage du retard de salaire des femmes me paraît extrêmement pertinente. On a vu l’efficacité de ce genre de mesures en ce qui concerne le mécénat d’entreprise et la philanthropie. Cela me paraît donc être un mécanisme d’encouragement efficace pour convaincre les entreprises d’agir. À ce sujet, la prise de parole de Jacques de Peretti, PDG d’AXA France, sur ce qu’il présente comme un « choix de performance » quand il embauche un.e collaborat.eur.rice (peu importe son sexe) m’a particulièrement enthousiasmée. La plupart des recommandations du volet entreprise est déjà mise en place dans sa propre organisation. Pour rattraper le retard, 70% des directeurs nommés ces deux dernières années sont des femmes. Pour être nommées à capacités égales, elles ont bénéficié de coaching, mentoring et formations proposés par l’assureur. En outre, un budget de 8 millions d’euros a été alloué spécifiquement pour rattraper l’écart salarial de toutes les femmes. Pas seulement celui concernant les cadres.
La féminisation des entreprises, un levier de la diversité
La transparence que cela suppose était un thème présent dans plusieurs propositions. Celle qui propose des grilles de salaire à l’embauche m’a semblé être un premier pas très intéressant à plusieurs échelles. D’une part, cela évite que l’inégalité salariale ne commence dès l’embauche. D’autre part, cela met en lumière une réalité trop souvent ignorée voire cachée.
De manière générale, j’ai regretté que l’idée d’inclusion arrive si tard dans les débats. Pour moi, il est impossible d’atteindre l’égalité homme-femme si certains débats ne sont pas mis sur la table ; l’inclusion en fait partie. Laurent Sorbier*, représentant de OnePoint, a prononcé la phrase suivante : « Faire le pari de l’intelligence collective, c’est faire une place large aux femmes dans l’entreprise ». Cette idée d’intelligence collective a notamment été abordée lors des débats sur l’éducation et la technologie. Je regrette qu’elle n’ait pas eu une plus grande place lors de cette conférence. Pour moi, cela rejoint les différentes remarques faites sur l’efficacité augmentée par la diversité. Encore une fois, ce thème me semble terriblement logique et anodin. Mais il est nécessaire de rappeler que, selon des études de l’OIT (Organisation internationale du travail), la présence des femmes dans l’entreprise permet d’augmenter le chiffre d’affaires. La remarque de Pauline Adam-Kalfon, associée PwC en charge de la blockchain, selon laquelle il faut faire des « hommes les agents du changement » complète cette idée. Il est nécessaire d’informer et d’associer les hommes à cette bataille, sans quoi elle sera vaine.
Précarité menstruelle, PMA, IVG
Selon moi, la problématique de l’égalité dans le domaine de la santé n’a été que très partiellement abordé. J’en attendais beaucoup plus. J’aurai souhaité que les thèmes de la précarité menstruelle, de la contraception, du coût des soins pour les femmes, de l’IVG et de la PMA soient franchement abordés. Les débats autour de la charge mentale qui pèse sur femmes et leurs conséquences ont aussi manqué. La majorité des tâches sociales, familiales et ménagères comptent jusqu’à 80% de l’emploi des femmes…
Enfin, j’ai mentionné plusieurs chiffres m’ayant impressionnée tout au long de ce résumé, mais je tiens à en ajouter deux qui me poussent à vouloir agir contre une exclusion de fait des femmes de certaines parties de la société.
- Au niveau mondial, seulement 2% des fonds soulevés par les start-ups reviennent à des start-ups dirigées par des femmes.
- En Afrique, les jeunes filles ratent en moyenne ¼ de l’année scolaire à cause de la précarité menstruelle.
Sixtine Desmarchelier
Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
@MarleneSchiappa
Dominique Carlac’h, porte-parole et vice-présidente du @medef, présidente @DetConsultants, Membre du Conseil d’Administration Solideo, présidente d’honneur @Conseils_InnoAurélie Feld, présidente de CSP-The Art of Training, @Aurelie_Feld
Sybile Veil, PDG de Radio France, @SibyleVeil
Flavie Flament, animatrice de TV et radio
Jacques de Peretti, PDG d’AXA France
@Jacques2PerettiLaurent Sorbier, conseiller du président & partner chez Onepoint,
@onepointPauline Adam-Kalfon, associée PwC, en charge de la blockchain
@AdamKalfon
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A lire, la série des articles publiés par les étudiants de l’ESSEC :
Parité : « Allons plus loin que les propositions du Think Tank Marie Claire » de Victoria Duley
Parité : « Bienveillance et patience sont les leviers de l’égalité » de Tom Journaux
Pendant une année, CSP The Art of Training a été sponsor du Think Tank Marie Claire aux côtés de L’Oréal, TF1, Radio France, Salesforce, Natixis entre autres. A ce titre, nous avons activement rechercher, et trouver, les meilleurs leviers pour favoriser la parité dans la société en général. Pour tout savoir des travaux que nous avons menés, c’est sur le site CSP.
Les 60 mesures remises au Gouvernement sont à télécharger ici.
Les engagements de CSP The Art of Training-Lefebvre Sarrut.
L’entretien de Aurélie Feld, présidente de CSP The Art of Training, expliquant pourquoi cet engagement.