Patrick Forgeas est l’un de nos formateurs partenaires. Pour prouver l’importance du groupe dans la construction cognitive, il nous révèle ici l’une de ses astuces : casser la glace en jouant au tangram. Il met ainsi en lumière tous les biais de (non-)communication qu’il faut alors déjouer. Récit à la première personne.
Au début de certaines de mes formations (management-communication interpersonnelle), j’utilise le tangram comme ice-breaker. Ce jeu consiste à faire réaliser toutes sortes de personnages, lettres, animaux, à partir de pièces géométriques comme des carrés, triangles, parallélogrammes, trapèzes. Ce jeu va permettre, par une stratégie ludico-pédagogique du détour, de mettre en lumière les bonnes pratiques et les défauts de communication entre deux participants.
Communiquer quand on ne se voit pas
Je l’utilise selon la règle des 3A (Appel/Apport/Ancrage) comme un appel en ouverture de séquence pédagogique. Sa visée est celle d’un éveil pédagogique : créer de la disruption cognitive afin de susciter l’intérêt chez les apprenants sur ce jeu et l’apport qui suivra (le schéma de la communication avec l’émetteur et le récepteur, le feedback, etc.).
Comment ça marche ? C’est très simple ! Deux participants qui ne se voient pas vont collaborer ensemble, en jouant dos à dos. Le premier (A) donne des instructions pour que le second (B) reproduise la figure que A a sous les yeux. A dispose d’un modèle sous les yeux représentant un animal composé de plusieurs figures géométriques. B doit reproduire l’animal à partir des informations transmises par A en assemblant les pièces géométriques prédécoupées dont il dispose. A et B ne se voyant pas, ils communiquent comme s’ils étaient à distance par téléphone ou email. Ils doivent atteindre un score supérieur à 75% en 3 minutes qui est un étalon standard à la fois ambitieux et en même temps réaliste. Les deux participants peuvent interagir, c’est-à-dire communiquer : A peut poser autant de questions à B que nécessaire et inversement. La consigne que je donne est précise : A peut tout dire, tout mettre en œuvre oralement afin de permettre à B de reproduire ce qu’il a sous les yeux. A n’a simplement ni le droit de regarder ce que fait B pendant le jeu, ni montrer le modèle, ni lui faire des signes.
L’importance des autres participants
Je place évidemment le cadre de bienveillance et invite les deux participants volontaires à reformuler les consignes… Très souvent les volontaires demandent : « est-ce qu’on peut tout dire ? même l’animal dont il s’agit ? ». Dans ce cas-là, je réponds : « vous avez raison de vous poser cette question, c’est une bonne question à se poser, mais volontairement, je n’y répondrai pas ». Je ne réponds pas car « se confronter à ces difficultés » génère du conflit socio-cognitif. D’ailleurs, c’est l’obstacle que rencontre l’apprenant dans la situation pédagogique proposée, qui va lui permettre d’ancrer ses axes d’amélioration. De plus, les participants se mettent eux-mêmes des freins alors que je les invite à s’autoriser plein de choses en formation, qu’ils ne se permettent pas toujours en contexte professionnel.
La clef, c’est la précision du langage utilisé
Le jeu démarre, les chemins varient, le score devient anecdotique ; c’est le débriefing qui se révèle le plus intéressant naturellement. Une fois les trois minutes écoulées, je demande en général à A de s’auto-débriefer, puis à B et ensuite aux observateurs. Je n’interviens qu’en dernier lieu que si tout n’a pas été identifié… L’une des clés de réussite est le langage (triangle isocèle, ou losange, etc) afin que A et B puissent s’aligner, se comprendre, communiquer efficacement avec un cadre de référence commun pour collaborer…
Le tangram comme d’autres jeux que j’utilise (l’exercice de l’évanoui pour le lâcher prise, les pensées… issus de techniques d’improvisation théâtrale), captent l’attention de mes apprenants et facilite la compréhension et l’ancrage des apports qui vont suivre.
Le tangram est tellement populaire parmi les apprenants que je l’utilise au retour des pauses déjeuner pour lutter contre les phénomènes postdigestifs et créer un challenge intra-équipe. C’est un excellent marqueur psycho-affectif pour aussi ancrer un apport .
Patrick Forgeas
Fort de plusieurs expériences de chef de publicité grands comptes et manager commercial dans les médias et en agences de communication, Patrick rejoint CSP en 2007. Tout au long de son parcours, il a développé une réelle expertise en techniques de vente et en négociation commerciale ainsi qu’en management d’équipe et en développement personnel. Il est notamment diplômé d’un Master en ingénierie de Formation, d’un Master 1 Communication et a suivi une formation au métier de coach. Il intervient en français, anglais et espagnol.