[Critique série] Au royaume des fauves – Tiger King

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Tiger King

Note:

Origine : États-Unis

Créateurs : Eric Goode

Réalisateurs : Eric Goode, Rebecca Chaiklin

Distribution : Joe Exotic, Carole Baskin, Bhagavan Antle, John Finlay, Ric Kirkman, Jeff Lowe, Howard Baskin…

Genre : Documentaire

Diffusion en France : Netflix

Nombre d’épisode : 7 + 1 épisode spécial

Le Pitch :

Il y a aux États-Unis beaucoup plus de tigres en captivité qu’en liberté dans le monde. C’est à partir de ce postulat qu’Eric Goode a décidé d’aller à la rencontre de ces propriétaires de zoos américains spécialisés dans les grands félins. L’occasion de se focaliser sur le duel entre Joe Exotic, un extravagant passionné d’animaux, détenteur de plus de 250 félins, et Carole Baskin, une bienfaitrice auto-proclamée des fauves. Le premier étant actuellement en prison pour avoir tenté de commanditer le meurtre de la seconde…

La Critique d’Au royaume des fauves :

Mise en ligne par Netflix le 20 mars 2020, Tiger King (le titre original est quand même beaucoup mieux) a rassemblé 10 jours plus tard plus de 35 millions d’Américains. Les chiffres n’ayant fait par la suite qu’enfler au fil du temps. La série gagnant des téléspectateurs à travers le globe, faisant de ses protagonistes de véritables stars. Ce qu’ils étaient avant pour certains d’entre eux, au sein du petit monde des propriétaires de félins aux USA. Établissant ainsi un nouveau record, détenu jusqu’alors par Stranger Things, Tiger King a pour ainsi dire mis tout le monde d’accord. Une série documentaire en 7 épisodes, dont le succès ahurissant s’explique facilement en raison de son caractère incroyablement outrancier. Les faits relatés ici étant à proprement parler stupéfiants. C’est bien simple : si on avait vu tout ce que Tiger King nous raconte dans un film, on aurait eu vite fait de juger ce dernier complètement surréaliste. Et pourtant, ici, tout est vrai…

Dans la cage

Tiger King commence très fort. On nous présente Joe Exotic, le personnage pivot de toute cette stupéfiante aventure, tout en nous expliquant une partie des tenants et des aboutissants. En 10 minutes, la série pose les bases et déjà, ça vaut le détour. À tel point qu’on est alors en droit de se demander si la suite sera du même tonneau. Réponse : oui, elle l’est. Et même si le deuxième et le troisième épisode accusent quelques ventres mous dans la narration. Rien de grave car par la suite, ça repart de plus belle, avec l’arrivée de nouveaux personnages et une accumulation aussi spectaculaire que perturbante de rebondissements. Joe Exotic étant à lui seul complètement timbré. Un mec au look improbable, avec un mulet et des cheveux décolorés, qui se trimballe une dégaine pas possible, toujours armé, au milieu de tigres qu’il garde en cage mais qu’il affirme aimer plus que tout, prêt à se friter jusqu’à la mort avec Carole Baskin, une femme spécialisée dans la préservation des fauves qui a juré sa perte. L’animosité entre les deux personnages constituant le cœur de cette série documentaire pas comme les autres. Tous les autres intervenants étant à un moment ou à un autre confrontés à la haine que se vouent Joe Exotic et Carole Baskin. Eric Goode s’arrangeant, on ne sait pas trop comment, vu le bordel dans lequel il tente de s’infiltrer au début, pour donner un liant à la narration, en construisant son récit comme une série de fiction. Le tout en prenant même le soin de nous gratifier de cliffhangers à la fin de chaque chapitre, histoire de nous donner envie d’ingurgiter le plus vite possible l’intégralité des 7 épisodes. Tiger King compilant des images enregistrées sur plusieurs années, avec moult interviews et autres vidéos tournées par les principaux intéressés. En cela, bien sûr, les vidéos de campagne (car le mec a tenté de devenir président puis gouverneur) de Joe Exotic, ainsi que ses clips (oui, il fait aussi de la musique) valent à eux seuls largement le détour. Des sortes de « friandises » qui contribuent à rendre Tiger King non seulement addictive mais aussi divertissante. Plusieurs passages s’avérant aussi surréalistes que furieusement drôles. Même si le cœur du discours ne l’est pas du tout…

Meurtre, intimidation, humiliation et zoologie

Car si Joe Exotic, ainsi que certains des autres intervenants de la série, peuvent tout à fait prêter à rire, ce n’est pas là qu’est l’essentiel. Non car Tiger King est aussi et surtout une plongée dans un milieu précis d’une certaine Amérique. Celle des rednecks et des arnaqueurs. Une Amérique profonde peuplée d’aspirants plus ou moins pathétiques au rêve américain. Il est aussi bien sûr question de maltraitance animale. Le dernier épisode appuyant sur ce point, donnant à tout ce qui a précédé une résonance tragique, tant les manigances et autres coups bas que se distribuent les personnages nuisent au final surtout aux animaux. Pas de gentils dans Tiger King. Seulement des personnes avides de pouvoir. Des gourous de sectes qui ne s’affirment pas en tant que telles (mais qui en sont bien), portés sur la polygamie et sur la démonstration d’une influence qui passe par l’exploitation de tigres qui n’ont rien demandé. Puissante et éloquente, Tiger King n’oublie aucun des aspects de son sujet et va véritablement au bout des choses, les réalisateurs ayant profité de la naïveté ahurissante de leurs interlocuteurs, pour illustrer leur discours. Joe Exotic en particulier, qui croupit d’ailleurs en ce moment en prison (ce n’est pas un spoiler vu que la série en parle très rapidement), est un égocentrique complètement timbré, qui est passé de véritable passionné des animaux, désireux de leur bien-être, à tyran obsédé par la vengeance et le pouvoir. Un homme ridicule mais aussi flippant. Tiger King étant finalement à son image.

En Bref…

Tiger King est l’une des séries documentaires les plus incroyables jamais produites. Une série passionnante, tragique et parfois drôle, traversée de personnages pathétiques, tristes et fantasques. Un show violent et cru, qui, sans jamais oublier d’être divertissant, parvient à faire passer un vrai discours poignant sur la maltraitance animale. Une hallucinante plongée en immersion dont on ne ressort pas indemne.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Netflix