J'aurais
pas pensé.
Je
pense pas à tout.
C'est que c'est le premier que j'écris après tout, c'est ma
première autobiographie, il y en aura d'autres sûrement, mais pour
la première je me dois de faire un effort particulier.
Pour les
prochains on s'en fout je ferai comme tout le monde, je ferai du
copier-coller dans d'autres bouquins ou sur Wikipédia, faut pas
bouder la technique, aujourd'hui tu peux faire un bouquin en quelques
clics avec le copier-coller, c'est une révolution quand même.
C'est
incroyable quand on y pense tout de même, de voir que le progrès a
évolué dans ce domaine.
Je viens d'écrire "le progrès a évolué", tu te rends compte de la pertinence de cette assertion ou pas?
Tout ce qui concerne la culture a drôlement
évolué au fil des années.
Quand j'étais enfant je me souviens, le
mercredi après-midi maman faisait des crêpes, et on sortait le
tourne-disques.
Non, maman ne faisait pas les crêpes sur le
tourne-disques, et notez bien par ailleurs que si le Tepaz avait eu
un plateau chauffant, c'eût pu alors être possible et hyper-fastoche d'y faire des crêpes.
On faisait tourner, on versait la
quantité adéquate de pâte sur le plateau, on posait la raclette
perpendiculairement au centre et ça te faisait ta crêpe tout seul.
Je suis un inventeur dans l'âme. Un tourne-crêpes à deux vitesses,
33 tours pour les grosses galettes bretonnes et 45 tours pour les petites crêpes de la Chandeleur.
33 tours quand t'as le temps et que tu n'es pas pressé, 45 tours
pour quand t'es à la bourre entre midi et deux heures.
Mais remplacer la pointe diamantée par autre chose ma paraît impératif, car sinon quand ça tourne, dans le haut-parleur tu n'entends pas un son mélodieux mais un GLBLLRLBLLRBLRGLBR car la pâte à crêpes bourre toute la tête du tourne-disques, pardon, du tourne-crêpes.
Oui
mais donc, le tourne-disques ne nous servait qu'à écouter de la
musique.
Hugues Aufray et son petit âne gris, Tino Rossi et sa belle
nuit de Noël.
Toute l'année on écoutait le belle nuit de Noël, en
mangeant des crêpes à la confiture.
En fait il nous cassait les
oreilles Tino Rossi, il nous a fait chier le Tino, et quand il est
mort on a poussé un ouf de soulagement.
C'est d'ailleurs à la même
époque, puisque je suis un inventeur dans l'âme, que j'inventai, un
mercredi après-midi comme un autre, les bouchons d'oreille anti-Tino
Rossi en crêpe à la confiture, pour nous soulager un peu.
Puis
vinrent les magnétophones à cassette.
Avec leurs aléas de lecture
de cassette qui parfois te déroulaient entièrement une cassette
quand un des deux petits entraîneurs tournants ne tournait plus, ou
que l'un tournait plus vite que l'autre ; généralement c'était
toujours celui qui dévidait la bande qui tournait plus vite, alors
que celui qui enroulait avait du mou dans les genoux grave, et que tu
te retrouvais alors avec une cassette et deux kilomètres de bande
dehors, toute fripée et toute pliée et bourrée et coincée dans
les têtes de lecture, bande que tu tirais pour la décoincer et que
tu enroulais pour la énième fois avec un stylo bille, et que ta
cassette finissait par être fripée du début à la fin et qu'à
écouter ça faisait des modulations tout bizarre et que t'avais
l'impression d'écouter de la musique comme si tu avais mangé de la
drogue à midi à la cantine, ça préfigurait complètement la
musique psychédélique en fait.
Le
temps a passé et l'on est aujourd'hui dans l'ère numérique.
Avant
il te fallait attendre de longs mois et économiser moults piécettes
sonnantes et trébuchantes pour envisager d'acquérir le dernier
album de ton artiste préféré, comme Carlos ou Patrick Topaloff.
Maintenant, on allume l'ordinateur,
on clique sur un dispositif spécial qui ressemble à s'y méprendre
à un petit rat, et en cinq minutes on a une médiathèque complète.
C'est
bien le numérique, mais c'est dur de s'y retrouver.
Aujourd'hui
en cinq minutes t'as une médiathèque, qui fait en plus GPS, et
quand, sur ton ordinateur, tu te mets à écouter « Le
Loir-et-Cher » de Michel
Delpech, tu reçois un
e-mail de l'office du tourisme du Loir-et-Cher et un SMS de Carrefour
qui t'indique qu'il y a des promotions sur les pêches toute la
journée.
C'est
bien le numérique, mais faut suivre.
Ça
va vite quand même.
Tu
veux télécharger le tout dernier album de ton artiste préféré
qui vient de sortir, et quand t'as fini de le télécharger y a deux
nouveaux albums et quatre nouveaux DVD qui sont sortis pendant que tu
téléchargeais.
C'est
une révolution, et c'est pareil avec les livres, donc.
Comme
je le disais au début de ce chapitre.
Que
je termine tout de suite pour en commencer vite un autre, puisque mon
éditeur m'a bien stipulé qu'il fallait faire des chapitres à mort
pour aérer la structure en papier, si je me souviens bien.
Mais je me rends compte à l'instant que je n'ai pas signalé qu'il y avait un nouveau chapitre, et je cherche le meilleur moyen d'attirer l'attention du lecteur à ce sujet.
Du coup je pourrais stipuler que je commence un nouveau chapitre en affichant tout simplement:
ATTENTION VOILÀ UN NOUVEAU CHAPITRE .
C'est une piste à suivre.
ATTENTION VOILÀ UN NOUVEAU CHAPITRE
Mon
éditeur m'a appelé, il n'était pas content. Ça s 'entendait
au son de sa voix qui n'était pas contente :
-Tu
te fiches du monde ! Tu ne vas pas faire un chapitre toutes les
deux pages, d'où tu sors ça ?
-Ben
c'est toi qui me dit de faire des chapitres pour la structure en
papier et puis après quand je fais des chapitres pour la structure
en papier tu m'appelles pour m'engueuler que je fais des chapitres , ah ben dis-donc elle est bonne
celle-là ! Tu me dis d'aérer, moi j'aère, je disperse, je
ventile comme dirait Louis de Funès ! Ah ben t'es marrant toi
comme type !
-Oui
tu dois faire des chapitres, pour diviser ton livre en des parties
bien distinctes. Quand tu fais une phrase, tu utilises la ponctuation
pour couper ta phrase en morceaux, pour l'aérer, pour la rendre
compréhensible non ?
-Euuuhh...non
je...suis comme tout le monde je n'utilise pas systématiquement la
ponctuation parce que c'est pas obligé je vois pas d'où ce serait
obligatoire de faire des phrases coupées si on a envie de découper
les phrases on en fait plusieurs à la suite en tous cas je connais
plein de types qui ne ponctuent jamais rien eh ben crois-moi ils ne
s'en portent pas plus mal alors hein.
-Tout
le monde fait de la ponctuation, même sans s'en rendre compte, alors
arrête tes conneries un peu !
-Je
fais de la ponctuation si je veux c'est pas toi qui va m'obliger je
suis plus un gamin t'as qu'à demander à maman.
-Écoute,
c'est pour t'aider que je dis ça, ton livre se doit d'être clair et
facilement accessible si tu veux remporter l'adhésion auprès du
plus grand nombre.
-Ah
bah oui d'accord alors ah oui, dit comme ça alors ah oui.
J'ai
raccroché.
J'ai
rien compris.
À suivre...