Il faut reconnaître à Emmanuel Macron son talent à se « réinventer » lui-même, selon ses propres mots. Devant 36 millions de Français, lundi soir, le président de la République a voulu ouvrir un nouveau chapitre, plus flamboyant, de sa storytelling.
Si le ton martial et l’armure guerrière ont été remisés pour des paroles onctueuses, c’est que le chef de guerre se sait désarmé, au bord du précipice. La crise sanitaire a beau maintenir sous cloche les colères, bâillonner l’opposition par l’exercice d’un pouvoir absolu, le président a bien conscience que la cocotte est prête à exploser. Les services de renseignements s’en sont même inquiétés dans une note confidentielle, alertant sur « un risque d’embrasement de la contestation sociale à la sortie du confinement ». Alors, comme avec les gilets jaunes, le locataire de l’Élysée se paye de mots, affichant une humilité reconnaissante pour cette solidarité qui repose sur les premiers de corvée.
Un timide mea culpa pour s’amnistier de sa terrible culpabilité. « On n’oubliera pas », lui rétorquent des milliers d’internautes sur les réseaux sociaux, où personnalités et anonymes se prennent en photo avec ce mot-clé pour dénoncer les mensonges et manquements du pouvoir dans la gestion de l’épidémie. Dans cette période si difficile, où la peur peut rendre docile et aveugle, une majorité de citoyens gardent les yeux bien ouverts, tournés vers l’avenir.
Alors, derrière les incantations mielleuses, qu’a annoncé concrètement le président ? Que les écoles rouvriront le 11 mai, pour ramener les parents derrière leur poste de travail, comme lui réclamait le Medef. Que tester l’ensemble de la population « n’aurait aucun sens », alors que cela fait l’unanimité chez les scientifiques. Qu’une aide pour les Français les plus modestes serait versée – il serait temps ! – sans plus de précisions.
En voilà un programme exceptionnel à la hauteur de la situation… quand tout pousse à revoir de fond en comble l’organisation de nos sociétés. « Dans les prochaines semaines, avec toutes les composantes de notre nation, je tâcherai de dessiner ce chemin », a annoncé Emmanuel Macron, évoquant le CNR et l’espoir de nouveaux « jours heureux ». Chiche ! Mais, pour cela, il faut changer de boussole…
15 avril 2020