Pour le meilleur et le sou(pire)

Publié le 14 avril 2020 par Desfraises


Je m'étais déjà penché sur la gymnastique mentale qui m'oblige à ne pas m'attarder sur les raisons, minuscules ou pas, qui font que le monde ne tourne pas rond, ou plutôt à remplacer chaque bouffée négative, chaque nom d'oiseau ravalé, par une pensée positive, poétique, bienveillante. La triste période que nous traversons ne donne pas à voir le meilleur en l'humain et c'est un doux euphémisme. Me courent sur le haricot, les éditocrates confits d'arrogance qui disent ce qu'il faut penser, ce qu'il faut faire sans s'être mis deux minutes dans la peau des gens qu'ils jugent ou conseillent. Me hérissent le poil, les ministres, les apôtres du capitalisme, les conseillers, autant de poulets sans tête qui continuent de galoper dans la basse-cour, de radoter des éléments de langage, des doctrines absurdes. Pauvre quidam obéissant, je renseigne scrupuleusement mes attestations de sortie dérogatoire pour satisfaire les besoins naturels de la petite, matin et soir ; je respecte scrupuleusement le confinement, je ferme les yeux sur la vingtaine de promeneurs que je croise en cinq minutes un lundi après-midi de Pâques, sur leurs raisons probablement fondées, qu'en sais-je ; sur les rues environnantes jonchées de déchets, de déjections canines, de canapé défoncé, de frigo disloqué. Je me dis que non je n'ai pas entendu ce gars qui se vantait au téléphone d'un apéro clandestin chez ses potes, je ne dis rien à l'ami qui a bravé l'interdit pour faire du tourisme, je soupire, je ne veux pas entendre ses arguments en carton. Les raisons de s'agacer, de désespérer, sont multiples. Celles d'être optimistes ne se sont pourtant pas évaporées. À ce tableau peu ragoûtant et incomplet, il manque, c'est certain, toutes les bonnes actions, les solidarités qui ne font pas de bruit, les actes civiques qui ne se voient pas, l'altruisme sans fanfare.

À ma philosophie positive bricolée à la petite semaine, il manque les coquelicots que j'ai pris tout à l'heure en photo, alerté par l'incongruité des fleurs parmi les détritus, et que la petite Kimberley a humés, attirée par l'odeur laissée par un de ses collègues à quatre pattes.


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