Ami puis rival de Watteau, Lancret a produit un grand nombre de pendants, plus des séries (Saisons, Heures du jour, Ages de la vie, Contes de la Fontaine) que je n’ai pas traitées ici. J’ai établi la liste des pendants d’après le catalogue raisonné de G.Wildenstein [1] (les références en W sont celles de ce catalogue). La plupart des oeuvres n’étant pas datée, j’en ai conservé le classement thématique. Je n’ai pas commenté les quelques oeuvres pour lesquelles l’appariement semble fortuit, sans logique de pendant.
La Danse
Danse devant une fontaine (W133)
Lancret, vers 1724, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles (97.8 × 130.8 cm)
Cette Fête Galante devant la fontaine du jardin du Luxembourg se développe dans le format « paysage » habituel pour ce type de scène Elle montre deux couples de danseurs exécutant une figure typique de la contredanse, le moulinet à quatre. Lancret est le seul, parmi toutes les Fêtes Galantes peintes au XVIIIème siècle, à avoir représenté cette danse, très précisément Le Cotillon: danse à quatre ([2], p 72).
Le moulinet devant la charmille (W132 fig 33) La danse dans un pavillon (W205 fig 3)
Lancret, Schloss Charlottenburg, Berlin
C’est probablement dans un second temps qu’il a repris la scène en format « portrait », en supprimant à droite le groupe d’enfants ([2], p 78). La fontaine s’est réduite à une statue de Bacchus et le « clin d’oeil parisien » s’est transporté dans le second tableau, où l’on reconnait au plafond « Le Temps soustrait la Vérité aux atteintes de l’Envie et de la Discorde » peint par Poussin pour le Palais Cardinal.
La charmille à six pans a été ingénieusement introduite comme motif de jonction : elle montre, vue de l’extérieur, la même forme que le second pendant nous montre de l’intérieur. En rajoutant une marche arrondie, Lancret accentue l’analogie avec la salle circulaire.
La logique du pendant
Elle est sans doute d’opposer la contredanse en plein air, au son campagnard de la cornemuse, et la danse noble dans un Salon de Musique, au son d’un orchestre plus formel.
Danse à la fontaine, (W149 fig 47) L’Escarpolette (Die Schaukel) (W232 fig 49)
Lancret, Salon de musique du château de Sanssouci, Potsdam (détruits en 1942)
Dans le même ordre d’idée, le lien immatériel que la musique trace entre les deux danseurs contraste avec la corde grossière entre les deux amoureux (tandis qu’un tiers couché sur le sol tente de regarder sous la robe).
Le concert champêtre Le jeu du Pied-de-Boeuf
Lancret, vers 1743, collection privée
Même complémentarité entre les deux types de divertissement de la noblesse : la musique et le jeu.
Les jeux
Le cache-cache Mitoulas (Blind Man’s Bluff) (W221 fig 58) La Balançoire (W219 fig 56)
D’un jeu à l’autre, Lancret prend plaisir à intervertir les sexes entre les trois types de participants :
- le joueur (celle qui doit attraper le foulard, celui qui doit éviter de monter en l’air) ;
- le maître du jeu (celui qui donne le foulard, celle qui est la plus lourde) ;
- les comparses (celles qui vont se passer le foulard, celui qui fait contrepoids).
Le cache-cache Mitoulas (Le menuet) (W220) Gravure de Larmessin Les quatre coins (W253) Statens Museum for Kunst Copenhague
Ici le garçon, entouré de filles, passe de la situation de meneur de jeu à celle de chasseur.
Voici le texte des gravures de Larmessin :
Quoy; jeune homme, tu veux que l’aimable Climène
Cette beauté naissante et cette grâce extrême,
Coure après le mouchoir et le cherche avec peine ?
Méritent bien plustost qu’on le lui vienne offrir
Peux-tu le vouloir sans rougir ?
De la part de l’Amour lui-même
T’exposant au milieu de ces jeunes pucelles
Afin de disputer le terrain avec elles
Tircis, tu jouerais de malheur
Quel qie soit le progrès que ton adresse fasse
A ce jeu tu ne peux que leur prendre une place,
En revanche on prendra ton coeur.
L’Escarpolette (W233 fig 54) Le Colin Maillard (W229 fig 53)
Lancret, 1728, Nationalmuseum, Stockholm
Ce pendant extérieur / intérieur rappelle fortement celui de Charlottenburg, avec son salon circulaire. Lancret détourne subtilement les deux jeux vers des situations ambiguës :
- l’escarpolette devient un jeu de badinage à trois plus un (celle qui est poussée et tirée, celle qui fait tapisserie) ;
- comme le soulignent les deux bustes masculin et féminin qui encadrent le couple, le jeu de groupe devient un jeu à deux, allégorie de la séduction (la plume et le bandeau)
La balançoire Le vignoble L’escarpolette
Lancret, Panneaux décoratifs, 1723-27, The Cleveland Museum of Art
Le jeu rustique et enfantin de la balançoire – un madrier et une souche sous le signe de l’écureuil – complète le jeu plus adulte de l’escarpolette – sous le signe du coq et du clocher.
Au centre, un plaisir moins anodin : la boisson qui trouble l’esprit – sous le signe de la chouette.
Le théâtre
Scène tirée du Philosophe marié, de Destouches (W258 fig 65) Le glorieux (W259 fig 66)
L’occasion fortunée (W275 fig 70) Les charmes de la conversation (W276 fig 69)
La leçon de musique (W292) L’innoncence (W293)
Dessus de porte provenant du château de Fontainebleau, Louvre, Paris
La symétrie entre le pilastre et la niche suggère que les deux portes devaient être placées à peu de distance l’une de l’autre.
Le thème commun est celui de l‘éducation d »un jeune fille par un couple plus âgé :
- à gauche elle apprend à lire la musique et à chanter, accompagnée par une guitare ;
- à droite on lui montre un oiseau qu’on libère de sa cage, mais qui reste tenu par un fil.
La métaphore implicite est que la jeune fille est comme l’oiseau : son chant est beau et son pucelage est volage (voir L’oiseau envolé).
D’un baiser que Tirsis (W304) Que le coeur d’un amant (W303)
Lancret, vers 1720
Voici les quatrains qui accompagnent les deux gravures par Silvestre :
D’un baiser que Tircis caché dans ces beaux lieux,
Subtilement a su ravir à sa bergère
C’est en vain qu’elle veut lui montrer sa colère
Son amant moins timide en est plus glorieux.
Sa compagne et Damon, cette grotte et ces bois
Tous contre sa fierté conspirent à la fois
Une belle à l’écart qui se laisse surprendre
Quoi qu’elle puisse faire, a peine à se défendre. [3]
Que le coeur d’un amant est sujet à changer
Vous le voyez par ce berger
Il n’avoit autrefois des yeux que pour Silvie
Maintenant elle marque en vain sa jalousie.
Il se voit reprocher son infidélité
Sans en être déconcerté.
Epris d’un autre objet, ce n’est plus qu’à Lisette
Qu’il adresse aujourd’hui les sons de sa musette.
Les deux gravures illustrent deux conduites amoureuses masculines, en présence d’un couple faire-valoir :
- la séduction : Tircis embrasse par surprise sa bergère (malgré la présence d’une compagne et de Damon) ;
- la trahison : le berger lâche Silvie pour Lisette (en présence d’un couple indifférent).
La série comportait un second pendant : comme souvent chez Lancret, il oppose la Musique et la Danse :
Trop indolent Tircis (W313 fig 84) Veux-tu d’une inhumaine (W314 fig 85)
Trop indolent Tircis laisse la sinfonie,
Un soupir, un regard, un transport, un souris
Sont les meilleurs accents des coeurs bien attendris,
Et forment les accords les plus doux de la vie.
La musique a son temps, mais l’amour a ses droits :
Ce Dieu seul vous rassemble en cette solitude,
Pour gouter ses plaisirs sans nulle inquiétude,
Et ne les révéler qu’aux échos de ces bois.
Veux-tu d’une inhumaine emporter la tendresse ?
Fais lui voir en dansant ton heureuse vigueur.
Les charmes de la danse ont soumis plus d’un coeur
Qui n’aimoit dans l’amant que la force et l’adresse.
Ce vieillard attentif, se réveille aux plaisirs
Dont il rapelle encore la douceur et l’usage ;
Mais il s’anime, en vain, il ne forme à son age,
Que d’importans regrets, que d’impuissans Désirs.
Les textes introduisent une symétrie peu visible dans les images, suggérant que chacune montre un exemple et un contre-exemple :
- Tircis, trop indolent, ferait mieux de prendre exemple sur le couple du fond, et de laisser la musique pour une approche plus directe ;
- Le danseur fait bien de montrer sa vigueur sexuelle par la danse (comme le confirme l’Hermès), le contre-exemple étant le vieillard.
Suite Hortemels
Cette série de quatre scènes, gravées par Louise-Magdeleine Hortemels, évoquent les Quatre heures du jour. Elle se compose de deux pendants :
1 Lise s’en va changer d’humeur et de visage (La toilette) (W542 fig 147) 4 Quand vous voulez toucher quelque coeur amoureux (Soirée de musique) (W319 fig 86)
Ce premier pendant, intérieur-intérieur, oppose deux tables, l’une avec son miroir et l’autre avec sa partition, pour illustre les ruses féminines :
Lise s’en va changer d’humeur et de visage
Après avoir passé près de son cher époux
Tote la nuit comme un hibou
Pour qui donc ce bel étalage ?
Quand vous vouz toucher quelque coeur amoureux
Belle ou non vous scavés ce secret à merveille
Si le poison répugne à prendre par les yeux
Vous le faires entrer par l’oreille
2 Quoy, n’avoir pour vous trois qu’une seule bouteille (Collation champêtre) (W321) 3 Près de vous belle Iris (Sieste de midi) (W320)
Ce second pendant, extérieur-extérieur, évoque deux moments amoureux : l’apéritif (avec une bouche surnuméraire) et la mise en bouche (l’éventail et le parasol protègent faiblement ce que la robe dévoile)
Quoy! n’avoir pour vous trois qu’une seule bouteille,
C’est bien peu pour vous mettre en train,
Il faloit mieux Lisandre aporter plus de vin
Et n’amener au bois avec vous qu’une belle.
Près de vous belle Iris ce fantasque minois,
Met mon esprit à la torture
Que cherchés vous par avanture
Dans le milieu du jour et sur le bord d’un bois
Dans cette aimable solitude (W330 fig 92) Par une tendre chansonnette (W328 fig 91)
Lancret, Fitzwilliam Museum, Cambridge
Les deux scènes confrontent une femme assise avec son éventail, et un homme debout, avec son béret. Dans l’une l’arbre sépare le couple, dans l’autre il le réunit. Le texte des gravures de Cochin éclaire les deux situations, que résume la tête voilée ou couronnée de fleurs de la belle : retenue ou affichage des sentiments.
Dans cette aimable solitude ,
Ces amans par leur attitude
Respectent leur jeune témoin
Peut être si de les entendre ,
ll ne se donnait pas le soin ,
Leur posture seroit plus tendre
Par une tendre chansonnette
On exprime ses sentiments
Souvent la flute et la musette
Sont l’interprète des amans
Arrivée d’une dame dans une voiture trainée par des chiens (W338) Avant le bal costumé (W337)
Lancret, Musée d’Arts, Nantes
Ce pendant extérieur-intérieur montre deux scènes costumées :
- dans le premier tableau, un groupe interrompt son aubade pour accueillir une jeune femme portant un turban à la turque et sa compagne, qui arrivent dans un traîneau tiré par des chiens. L’aubergiste prépare les bouteilles et les miches, sa femme invite les convives à entrer dans la salle où brûle un bon feu.
- dans le second tableau, seuls les hommes sont costumés (en Mezzetin, en Pierrot, en pèlerin).
Sous une forme légère, les deux sujets dénotent une certaine critique de la domination féminine :
- la dame tirée par des chiens travestis en chevaux fait écho à celle qui parade au milieu des mâles costumés ;
- la petite fille qui s’empare de la guitare abandonnée et celle qui tire un cavalier par une ficelle, apprennent déjà leur métier de femme.
Scènes galantes
L’amusement du petit maître (W413 fig 100) La belle complaisante (W414 fig 99)
Les textes des gravures, par De Farannes chez de Larmessin, donnent la clé du pendant :
A de traîtres soupirs gardès vous de vous rendre,
Tournés la téte, aimable Iris,
Un jeune cœur y peut étre surpris,
Et vous verrés de quoi vous deffendre
Pour l’un le billet doux, et pour l’autre, la main ;
Tout ce qu’elle refuse est une bagatelle,
Rien de galant ne coûte à l’aimable Catin.
C’est un sincère amour, un cœur tendre et fidèle
Il s’agit donc de deux scènes de rouerie :
- dans la première, un homme courtise une fille tandis que par derrière arrive une autre de ses conquêtes ;
- dans la seconde, une fille se laisse courtiser par un gentilhomme tout en envoyant par derrière un mot doux à un abbé.
A femme avare galant escroc ( W645), gravure de 1738 On ne s’avise jamais de tout (W664), gravure de 1742
Lancret, Gravures de Larmessin,
Ce deux sujets ont été peints en pendants, avant d’être intégrés par Larmessin à la série des Contes de La Fontaine
«Rayez les cent Louis prêtés: car A Madame
Hier devant temoins je les ay bien rendus:
L’epoux en ragerait encor plus que la femme
S’il scavoit à quel titre elle les a reçus »
« Tu me dis qu’elle attend un autre vestement
Et qu’on a sur le Sien jetté d’une Fenestre
J’entens : Les Tours malins de Coquette et Damant
J’ay crû les scavoir tous : Mais j’ay trouvé mon maitre »
Il s’agit là encore de deux histoires de rouerie, masculine et féminine : un mari est trompé par son emprunteur, l’autre par sa femme Coquette.
Les Rémois (Contes de La Fontaine, Livre III, 3) [4]
Les Rémois (W669)
Musée de Tours [5]
La femme volage d’un Peintre a invité à manger deux voisins pendant que son mari est absent. Mais il revient, les deux voisins se cachent (porte de gauche) et la femme, pour justifie le repas, dit qu’elle a invité les deux épouses des voisins. Pendant que la femme du peintre descend à la cave chercher du vin avec l’une des invitées (porte de droite), le Peintre lutine l’autre sous les yeux du mari :
« L’Epoux vid donc que, tandis qu’une main
Se promenoit sur la gorge à son aise,
L’autre prenoit tout un autre chemin ».
La composition aide à comprendre l’histoire :
- le Peintre a quitté sa chaise,
- les deux autres chaises vides, situées sous les maris cachés, rappellent que c’est eux qui primitivement devaient s’asseoir à la table ;
- les chiens, couchés sous chaque porte, soulignent que tous les protagonistes sont soumis à la volonté du Galant.
Les Lunettes (Contes de La Fontaine, Livre IV, 12) [6]
Les lunettes (W652)
Musée de Tours [5]
S’étant déguisé en nonne et vivant à l’intérieur d’un couvent, un jeune homme déclenche chez une de ses conquêtes la pousse d’un « petit champignon ». L’enquête s’ensuit, le garçon dissimule son anatomie comme il peut :
« …ce reste de machine,
Bout de lacet aux hommes excedant.
D’un brin de fil il l’attacha de sorte
Que tout sembloit aussi plat qu’aux Nonains ».
Malheureusement :
« Fermes tetons, et semblables ressorts,
Eurent bien tost fait joüer la machine :
Elle eschapa, rompit le fil d’un coup,
Comme un coursier qui romproit son licou,
Et sauta droit au nez de la Prieure,
Faisant voler lunettes tout à l’heure
Jusqu’au plancher. Il s’en falut bien peu
Que l’on ne vist tomber la lunetiere. »
Les Nonnes attachent donc le garçon à un arbre, et vont chercher leurs fouets. Passe un meunier, auquel le garçon raconte que les nonnes vont le punir parce qu’il a résisté à leurs avances. Emmoustillé, le Meunier propose de prendre sa place :
« L’autre deux fois ne se le fait redire ;
Il vous l’attache, et puis luy dit adieu.
Large d’épaule, on auroit veu le Sire
Attendre nud les Nonains en ce lieu.
L’escadron vient, porte en guise de Cierges
Gaules et foüets : procession de verges
Qui fit la ronde à l’entour du Meusnier… »
Par les sacs déposés à terre en bas à droite, Lancret nous fait comprendre que l’homme attaché est bien le meunier ; et il fait porter discrètement les lunettes à la soeur à l’arrière-plan.
La logique du pendant
Aussitôt après la mort de Pater en 1736, Lancret poursuit la série des tableaux réalisés par l’artiste d’après les Contes de La Fontaine (Wildenstein en a dénombré au total 43). Le format carré (1,02 x 1,02 m) de ces deux tableau et le fait qu’ils étaient autrefois chantournés laisse supposer qu’ils ont bien été conçus comme pendants.
Dans ce type de pendant illustratif, les contraintes narratives prennent le dessus et on ne peut s’attendre à de fortes correspondances. On notera néanmoins :
- la structure intérieur / extérieur ;
- la composition symétrique mais légèrement décentrée (nonnes autour de l’arbre, maris et femmes de part et d’autre de la table) ;
- un Trompeur impuni (le garçon déguisé, la femme du Peintre).
- un Galant puni et un Galant triomphant.
Les oyes du frère Philippe (Contes de La Fontaine, Livre III, 3) [7]
Les oyes du frère Philippe (W658) MET
Un jeune homme a été élevé loin du monde par son père, un ermite nommé Frère Philippe. Un beau jour, il va en ville et voit passer de jeunes beautés :
« Ravi comme en extase à cet objet charmant :
Qu’est-ce là, dit-il à son pere,
Qui porte un si gentil’habit ?
Comment l’appelle-t-on ? Ce discours ne plut guere
Au bon Vieillard, qui répondit :
C’est un oyseau qui s’appelle Oye.
O l’agreable oyseau ! dit le fils plein de joye.
Oye, hélas, chante un peu, que j’entende ta voix.
Peut-on point un peu te connoistre ?
Mon pere, je vous prie et mille et mille fois,
Menons en une en nostre bois,
J’auray soin de la faire paistre. »
Le gascon puni (Contes de La Fontaine, Livre II, 13) [8]
Le gascon puni (W648), Salon de 1738, Louvre
L’histoire, assez complexe, est pleine de rebondissement : la belle Phillis a demandé à une Gascon qui la courtise un service bien particulier : se déguiser en femme pour prendre pendant une nuit, dans le lit de leur voisin Eurilas, la place de sa voisine Cloris, afin qu’elle puisse rejoindre son amant, Damon. Toute la nuit, le Gascon vit dans la terreur qu’Eurilas ne se réveille :
« Son coucheur cette nuit se retourna cent fois,
Et jusques sur le nez luy porta certains doigts
Que la peur luy fit trouver rudes.
Le pis de ses inquietudes,
C’est qu’il craignoit qu’enfin un caprice amoureux
Ne prist à ce mary… »
Au matin, coup de théâtre : ce n’est pas avec Eurilas qui l’a couché :
« C’estoit Philis, qui d’Eurilas
Avoit tenu la place, et qui sans trop attendre
Tout en chemise s’alla rendre
Dans les bras de Cloris qu’accompagnoit Damon. »
Lancret nous montre la chute : Phillis nargue le Gascon puni
« En luy monstrant ce qu’il avoit perdu,
Laissoit son sein à demy nu. »
La logique du pendant
Lancret, 27,3 35,2 cm cuivre
Ces deux versions sur cuivre n’ont peut être pas constitué des pendants (il existe neuf cuivres des Contes de la Fontaine, tous de la même taille), mais on sait qu’un pendant sur bois de ces deux sujets est passée en vente en 1752 (W649).
Ce n’est pas ici l’histoire, mais la composition à quatre personnages qui justifie l’appariement :
- deux jolies femmes s’étreignent ;
- un nigaud tend le bras droit ;
- un homme averti ferme le ban.
Le bain
Le repas au retour de la chasse (W445) 90 x 1,235 m Les plaisirs du bain (W433 fig 104) 97 x 1,45 m
Lancret, 1737, Louvre
Ces deux tableaux appartenaient au marquis de Beringhen. Ils associent deux scènes de plein air, la collation et le bain, association plusieurs fois utilisée par Pater (voir Baigneuses).
Les deux tableaux ne se répondent pas par symétrie, mais se complètent dans une logique panoramique : une série de paliers horizontaux fait sinuer l’oeil du haut de la fontaine à la pelouse du second tableau, accompagnant les convives d’un plaisir à un autre, au gré des deux embarcations.
Oiseaux
Le nid d’oiseaux (W456 fig 112) Les tourterelles (W457 fig 114)
Lancret, Louvre
Dans le premier tableau, le villageois qui refaisait son toit a decouvert un nid, qu’il amène à la bergère pour qu’elle les mette dans sa cage (sur cette métaphore sexuelle, voir La cage à oiseaux : y entrer).
Dans le second, il lui montre l’exemple de deux tourterelles qui se bécotent.
La bergère avec des tourterelles (W552 fig 117) La taquine (W551 fig 136)
Ce pendant en V prolonge l’histoire, en mode grivois :
- d’abord l’homme montre ses deux tourterelles à la fille ;
- du coup, celle-ci s’enhardit à lui chatouiller le visage pendant qu’il dort, son outil de travail sur le genou ; la souplesse de la branchette souligne la rigidité de la houlette.
Scènes villageoises
La danse au village, (W514) Un festin de noces au village, (W515)
Lancret, 1735, Musée d’Angers
D’un côté la danse sur la place du village, de l’autre le festin dans le cour d’une maison
Le mariage au village Le déjeuner de noces
Lancret, 1737-1740, Waddesdon Manor [9]
Même opposition entre espace public et espace privé, mais les sujets sont un peu différents. Le second tableau joint les thèmes de la danse et du festin.
Le premier représente probablement le cortège de mariage partant pour l’église : en tête le père de la mariée avec sa fille, derrière la mère du marié avec son fils. Comme dans un tableau de Pater qui lui ressemble beaucoup (voir Dans la lignée de Watteau), certains détails semblent ironiser sur les « bonheurs » du mariage : l’âne (condamné désormais à tirer le collier), le couple libre du premier plan, le bébé dans son berceau.
Autres sujets
Une cuisine (W529) Le Valet Galant (W530)
Lancret, début XVIIIème, Ermitage
Sous couvert d’illustrer le thème classique de la cusine grasse (viandes sur table rouge) et de la cuisine maigre (poissons sur table grise), ce pendant met en scène, entre rideaux et nappes, une sensualité qui excède celle des plumes, des poils, des écailles et des légumes :
- une fille, entre deux volailles pendantes, regarde sa compagne renifler l’entrejambe d’un lièvre de belle taille ;
- un valet prend en tenaille une fille qui lui résiste en levant mollement son petit doigt.
Portraits
La Camargo (W582), 1730 Wallace Collection (42 x 55 cm). Marie Sallé (W598), 1732, Chateau de Rheinsberg, Brandenburg (42 × 54 cm)
« Ah, Camargo, que vous étes brillante Mais que Sallé, grands dieux, est ravissante! Que vos pas sont légers et que les siens sont doux ! Elle est inimitable et vous êtes nouvelle. Les Nymphes sautent comme vous. Mais les Grâces dansent comme elle. » Mercure de France, Janvier 1732.
Ces deux tableaux de deux stars de l’époque ont eu de nombreuses répliques : selon Wildenstein, l’exemplaire de la Wallace Collection serait le premiel Camargo, mais le premier Sallé n’est pas connu.
Turqueries
Le Turc amoureux (W684) La belle Grecque (W685)
Sous l’Ancien Régime, la mode était aux Turcs, pas encore à la cause de la libération des Grecs.
Les textes des gravures par Schmidt, en 1736, manient aimablement les paradoxe du Turc moins féroce que l’Amour, et de l’Esclave qui domine le Sultan :
Jusque dans ce climat barbare
L’amour porte à mon cœur les plus terribles coups,
Et sans cesse on m’entend chanter sur ma guitare :
Maudit soit cet Enfant qui montre un air si doux :
Il est cent fois plus Turc que nous.
Jeune beauté, votre esclavage
Ne vous empêche pas de captiver les cœurs.
Les Sultans les plus fiers vous offrent leurs hommages
Et par le seul pouvoir de vos yeux enchanteurs
Vous triomphez de vos vainqueurs
Pendants incomplets
Une scène de la Comédie Italienne (W323)
Le joueur de flûte (W103)
Chasse à la pipée (W462 Wallace fig 118)
Danse champêtre (W162)
La femme commode (W416 fig 211) L’amant indiscret (W416bis)
Le concert dans le parc (W298 fig 81) Musee Pouchkine, Moscou Berger et bergère tenant une cage, debout (W466)
Le Berger indecis (W473 )Veux-tu d’une inhumaine (W317)
Variante du W314, sans le vieillard
Pendants non retrouvés
- Danse champêtre W171, Escarpolette W241
- Bal champêtre W173, Concert W174
- Danse champêtre W175, Balancoire W217
- Un bal W214, Fête champêtre W398
- Joueur de flûte W110, Deux jeunes filles dans uun paysage W111 La danse champêtre W180, La balançoire W181
- Colin Maillard W230, Jeu des gages W243
- Escarpolette W240, Réunion dans un parc W372
- Scène de la Comédie italienne W325, Groupe joyeux et plaisant de trois figures W421
- Sujet galant W423, Voleurs dépouillant un voyageur W560
- Femme saisissant un capucin par son cordon W533, Homme filant près d’une jeune fille W536
- Un religieux et une jeune fille W549,Le repos W550
- L’enlèvement d’Hélène W722, Parodie du jugement de Pâris W725
Faux pendants
La bergère endormie et le jeune seigneur W475 (0,65 x 0,48 cm) Jeune homme offrant des fleurs de son chapeau à une jeune fille (dit aussi L’offre des fleurs) W476 (0,61 x 0,48 cm)
Lancret, début XVIIIème, Musée Jacquemart-André
Ces deux toiles de taille différente n’ont pas de provenance commune.
http://www.mba.tours.fr/TPL_CODE/TPL_COLLECTIONPIECE/98-18e.htm?COLLECTIONNUM=13&PIECENUM=234&NOMARTISTE=LANCRET+Nicolas [6] https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_de_La_Fontaine_(Marty-Laveaux)/Tome_2/Les_Lunettes [7] https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_de_La_Fontaine_(Marty-Laveaux)/Tome_2/Les_Oyes_de_frere_Philippe [8] https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_de_La_Fontaine_(Marty-Laveaux)/Tome_2/Le_Gascon_puny [9] https://waddesdon.org.uk/the-collection/item/?id=8606