" Dans cette Europe unie, l'originalité de chacun des peuples participants devra être sauvegardée, et les causes, anciennes ou récentes, de divisions devront être éliminées d'un commun accord. C'est ainsi que l'Europe trouvera son identité, redeviendra un centre actif et nécessaire à bien des équilibres et, selon sa vocation, s'insèrera dans l'unité plus vaste de l'humanité. " (Emilio Colombo, 6 juillet 1977).
Un jour après l'un de ses futurs homologues français, Claude Cheysson, l'ancien ministre italien Emilio Colombo est né il y a 100 ans, le 14 avril 1920, à Potenza, ville du sud de l'Italie dont il fut le jeune maire de juin 1952 à janvier 1955.
Emilio Colombo a été l'un des dinosaures de la démocratie chrétienne triomphante dans l'Italie des années 1960-1970. Très étrangement, un autre de ces dinosaures, Giulio Andreotti, est mort quasiment au même moment que lui. Giulio Andréotti le 6 mai 2013 à Rome et Emilio Colombo le 24 juin 2013 à Rome aussi, à peu près au même âge.
En mars 1991, dans le cadre d'une rencontre de la démocratie chrétienne européenne, j'avais eu la chance d'être reçu, avec les autres invités (de tous les pays européens, y compris de Lituanie et de Hongrie) par Emilio Colombo à Florence, chez les ducs de Toscane. Il avait beaucoup parlé de la construction européenne et semblait ravi de rencontrer de nouveaux interlocuteurs de l'ancienne Europe de l'Est libérée du joug soviétique. L'URSS existait encore mais l'Allemagne était déjà réunifiée.
Enfant précoce de la démocratie chrétienne d'après-guerre, Emilio Colombo, journaliste avec une licence de droit, fut élu pour la première fois député à l'âge de 26 ans, le 25 juin 1946. Il fut réélu jusqu'en septembre 1992, et fut également élu député européen de 1976 à 1980 et de 1989 à 1992. À peine trentenaire, il commença une très longue carrière ministérielle dans de très nombreux gouvernements italiens dès la fin des années 1940.
La liste peut paraître fastidieuse, mais proposons-la quand même : il fut nommé Secrétaire d'État à l'Agriculture et aux Forêts du 23 mai 1948 au 25 juillet 1951, Secrétaire d'État aux Travaux publics du 16 juillet 1953 au 6 juillet 1955, Ministre de l'Agriculture et de Forêts et Haut-commissaire à l'Alimentation du 6 juillet 1955 au 1 er juillet 1958, Ministre du Commerce extérieur du 1 er juillet 1958 au 15 février 1959, Ministre de l'Industrie et du Commerce du 15 février 1959 au 21 juin 1963, Ministre du Trésor du 21 juin 1963 au 6 août 1970 (et Ministre du Budget et de la Planification économique du 24 juin 1968 au 12 décembre 1968), puis Président du Conseil (chef du gouvernement) du 6 août 1970 au 17 février 1972 (Giulio Andreotti lui succéda), ainsi que Ministre des Grâces et de la Justice du 1 er mars 1971 au 17 février 1972, de nouveau Ministre du Trésor du 17 février 1972 au 26 juin 1972, Ministre sans portefeuille du 26 juin 1972 au 7 juillet 1973, Ministre des Finances du 26 juillet 1973 au 14 mars 1974, Ministre du Trésor du 14 mars 1974 au 29 juillet 1976.
Emilio Colombo fut ensuite élu Président du Parlement Européen, le dernier parlement non élu directement au suffrage universel direct, le 8 mars 1977 (il céda ensuite sa place, le 17 juillet 1979, à l'illustre Simone Veil), retourna ensuite au gouvernement comme Ministre des Affaires étrangères du 4 avril 1980 au 4 août 1983, Ministre du Budget et de la Planification économique du 28 juillet 1987 au 13 avril 1988, Ministre des Finances du 13 avril 1988 au 22 juillet 1989, enfin de nouveau Ministre des Affaires étrangères du 1 er août 1992 au 28 avril 1993.
Emilio Colombo termina sa carrière politique en étant nommé le 14 janvier 2003 sénateur à vie par le Président de la République Carlo Ciampi, titre très rare (le nombre de sénateurs à vie est très limité) visant à honorer un grand responsable de l'État. À la mort de Giulio Andreotti (lui aussi nommé sénateur à vie), Emilio Colombo fut le doyen des sénateurs et aussi, le dernier survivant de l'Assemblée Constituante de juin 1946.
Si on essaie de résumer cette carrière très riche en responsabilités politiques italiennes, on peut dire qu'Emilio Colombo a été membre des multiples gouvernements italiens pendant plus de trente-cinq d'années ! Avec deux portefeuilles phares : les Affaires étrangères et les Finances, et deux fonctions qui se détachent dans ce flot ministériel : la Présidence du Conseil et, hors du gouvernement, la Présidence du Parlement Européen.
Lorsqu'Emilio Colombo était Président du Conseil, son Ministre des Affaires étrangères était Aldo Moro. Emilio Colombo a mis en œuvre plusieurs réformes progressistes. Ainsi, le 22 octobre 1971, il a modifié les règles d'expropriation des terres et de rénovations urbaines ; le 6 décembre 1971, il a financé la construction d'écoles maternelles dans toutes les communes ; le 30 décembre 1971, il a renforcé la protection des femmes dans le droit du travail, notamment en allongeant le congé maternité.
Inutile de préciser (mais disons-le quand même) que, par son inspiration démocrate chrétienne (il fut élu président de l'Internationale démocrate centriste le 2 mars 1993), Emilio Colombo était un ardent défenseur de la construction européenne et la Présidence du Parlement Européen a constitué pour lui une sorte de bâton de maréchal, la reconnaissance, tôt (avant ses 60 ans), de son ambition pour l'Europe. Du reste, il a été récompensé par le Prix Charlemagne attribué par la ville d'Aix-la-Chapelle (Aachen) réservé aux artisans de l'Europe, ainsi que par la Médaille d'or de la Fondation Jean-Monnet pour l'Europe (remise à Lausanne le 7 octobre 2011). En outre, il a reçu la Médaille Robert Schuman le 8 juillet 1986, aux côtés d'autres grands Européens, notamment Helmut Kohl, Pierre Pflimlin, Leo Tindemans, Jacques Santer et Alain Poher.
Emilio Colombo, Ministre italien des Affaires étrangères, avait notamment pris l'initiative, le 18 novembre 1981, avec son futur homologue allemand (l'année suivante) Hans-Dietrich Genscher, de promouvoir le renforcement de la coopération politique européenne en proposant une relance institutionnelle devant le Parlement Européen. Emilio Colombo fut aussi, en tant que chef du gouvernement italien, le Président du Conseil de l'Union Européenne du 1 er juillet 1971 au 31 décembre 1971 (présidence tournante, avec son appellation moderne postmaastrichtienne). Et après avoir présidé le Parlement Européen, il fut élu président de la commission des affaires étrangères du Parlement Européenne de juillet 1979 à avril 1980, et aussi président d'une commission sur les relations entre le Conseil de l'Europe et la Communauté Européennes en 1985.
Italien, Européen, Emilio Colombo, passionné par la vie politique de son pays et par l'unité de l'Europe, était aussi un "universaliste", en ce sens que ses racines chrétiens l'incitaient à l'humanisme, convaincu que la réalisation d'une Europe unie pourrait transformer le monde dans un sens plus humain.
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Sylvain Rakotoarison (07 avril 2020)
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