Confinement oblige, il ne m'est pas possible en ce Vendredi Saint de participer à un Chemin de Croix dans une église, que ce soit en France ou en Suisse, où les libertés fondamentales de culte et de circulation des personnes ne sont plus assurées, par impéritie et imprévoyance.
En 1911, Paul Claudel publie Le Chemin de la Croix, un recueil de quatorze poèmes inspirés des quatorze stations de ce chemin de douleur. Madeleine Renaud, Natalie Nerval, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Granval, Jean Juillard les ont interprétés avec beaucoup de coeur.
Les quatorze enregistrements ont été édités, vraisemblablement en 1961, par la maison de disques française Jéricho - Centre du disque chrétien, sur disque vinyle 10", sous la référence JER 104. Parmi eux, j'ai choisi de mettre en ligne le quatrième, dit par Madeleine Renaud.
A cette Station, le Christ rencontre sa Mère. On ne peut que penser avec une immense peine à sa peine indicible, même si elle savait, depuis que Siméon, lors de la présentation de son Fils au temple, l'en avait avertie, qu'un jour un glaive lui transpercerait le coeur (Luc 2, 33-35).
Ce texte est magnifique. C'est pourquoi je le reproduis ci-dessous pour celles ou ceux qui voudraient à la fois l'écouter et le lire afin de mieux l'entendre, et de se pénétrer au fin fond de leur âme de tout le mystère auquel les arts de la comédienne et du poète permettent d'accéder.
Francis Richard
QUATRIÈME STATION : Jésus rencontre sa Très Sainte Mère
O mères qui avez vu mourir le premier et l'unique enfant,
Rappelez-vous cette nuit, la dernière, auprès du petit être gémissant,
L'eau qu'on essaye de faire boire, la glace, le thermomètre,
Et la mort qui vient peu à peu et qu'on ne peut plus méconnaître.
Mettez-lui ses pauvres souliers, changez-le de linge et de brassière.
Quelqu'un vient qui va me le prendre et le mettre dans la terre.
Adieu, mon bon petit enfant ! adieu, ô chair de ma chair !
La quatrième Station est Marie qui a tout accepté.
Voici au coin de la rue qui attend le Trésor de toute pauvreté.
Ses yeux n’ont point de pleurs, sa bouche n'a point de salive.
Elle ne dit pas un mot et regarde Jésus qui arrive.
Elle accepte. Elle accepte encore une fois. Le cri
Est sévèrement réprimé dans le cœur fort et strict.
Elle ne dit pas un mot et regarde Jésus-Christ.
La Mère regarde son Fils, l'Église son Rédempteur,
Son âme violemment va vers lui comme le cri du soldat qui meurt !
Elle se tient debout devant Dieu et lui offre son âme à lire.
Il n'y a rien dans son cœur qui refuse ou qui retire,
Pas une fibre en son cœur transpercé qui n'accepte et ne consente.
Et comme Dieu lui-même qui est là, elle est présente.
Elle accepte et regarde ce Fils qu'elle a conçu dans son sein.
Elle ne dit pas un mot et regarde le Saint des Saints.