à Toulouse, dix médecins urgentistes se relaient jour et nuit pour assister et soigner les navigants confrontés au coronavirus sur toutes les mers du globe.
Ces experts, passés par des formations aux conditions et règles de la navigation, animent le Centre de consultation médicale et maritime (CCMM), reconnu depuis 1983 comme le service national de consultations et assistance télé-médicales pour les navires en mer.
Quand Louis Lareng a fondé à Toulouse le Samu, en 1969, “il a voulu qu’il y ait toujours quelqu’un au bout du fil” aussi pour les marins, explique le docteur Patrick Roux, le responsable de l’unité, qui dépend du Samu 31 et est située dans les locaux du CHU de Toulouse.
La ligne est ouverte à tous les bateaux français ou étrangers croisant dans les eaux territoriales françaises, mais aussi “tous les navires parlant français” autour du globe, par exemple un bâtiment “battant pavillon des Bahamas mais commandé par un Français”, explique Emilie Dehours.
Au niveau international, le CCMM est ainsi en pointe de l’assistance médicale en mer, avec notamment son homologue italien, le plus ancien.
Avec le coronavirus, les appels, 5.000 en moyenne par an, qu’ils émanent de plaisanciers, pêcheurs ou de la flotte commerciale, ont augmenté de 30%. Une hausse qui s’explique tant par la survenue de cas à bord que par l’inquiétude générée par le virus dans des environnements hautement contagieux, à l’accès problématique aux soins et où tous les bras comptent.
Pour le moment, l’équipe, “dont tous n’ont pas le pied marin”, n’a pas eu à faire face à des décès, même si elle a dû gérer des cas de détresse respiratoire à bord, se félicite la docteure Dehours. Mais sa tâche, aider au diagnostic et aux soins, aider à l’organisation du confinement à bord si nécessaire, et veiller aux évacuations quand elles s’imposent, s’est encore complexifiée avec la mise à l’arrêt planétaire.
Les ports d’accueil étrangers se ferment, les rapatriements sont conditionnés aux liaisons aériennes qui se raréfient, alors que nombre de pays ne peuvent offrir de soins hospitaliers à la hauteur pour ceux qui devraient être débarqués.
Dans les ports africains, “c’est même pire qu’avec Ebola, dont les symptômes étaient clairs”. En matière d’accueil des bateaux et équipages, “tout est traité comme du coronavirus”, note l’urgentiste. Dans de nombreux cas, en Asie notamment, c’est le ministère des Affaires étrangères “et la diplomatie” qui doivent prendre le relais, soupire-t-elle.
Même s’ils disposent d’un médecin à bord, les navires de croisière constituent “le plus gros point noir”, au vu du nombre de passagers concernés, relève-t-elle. En attestent les nombreux cas de paquebots placés en quarantaine ou interdits d’accoster par des ports du globe, même s’ils transportent, comme le néerlandais Zaandam actuellement tenu à l’écart par la Floride, des morts et cas suspects.
Sur les bateaux de pêche, dont beaucoup restent désormais à quai, ou la flotte marchande, dont l’activité reste soutenue, l’interlocuteur principal est le capitaine, formé à l’assistance médicale. Les échanges se font par téléphone, mails pour l’échange de données médicales, voire par visio-consultations pour la flotte commerciale disposant du matériel nécessaire.
Quand il ne s’agit pas d’un de ces bateaux-poubelles aux pavillons douteux qui continuent à sillonner les océans: “ça, c’est un problème, le biais est là”, affirme l’urgentiste.
Il y a aussi des cas particuliers difficiles, comme ce marin dont l’épouse était dans un état grave à terre, avec les enfants à charge. Il a finalement pu être rapatrié.
Le CCMM offre aussi aux équipages des consultations psychologiques pour faire face. Mais jusque là, cette assistance n’a pas été sollicitée: “les gens de la mer savent réagir, ils sont plutôt responsables”, estime la docteure Dehours.
10 avril 2020