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César Vallejo – Nu dans la boue

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

César Vallejo – Nu dans la boueComme d’horribles batraciens dans l’atmosphère,
montent aux lèvres de lugubres grimaces.
Sur le Sahara bleu de la Substance
voyage un vers gris, un dromadaire.

Luit une gargouille de songes cruels.
Et l’aveugle mort rempli de voix
de neige. Et se lever tôt, poète, nomade,
au jour cru où il faut être un homme.

Les heures passent fiévreuses, et dans les coins
avortent des siècles rouges de hasard.
Qui tire ainsi sur le fil ; qui décroche
sans pitié nos nerfs,
corbeaux déjà usés, au tombeau !

Amour ! Toi aussi ! Des coups de pierres noirs
copulent dans ton masque et le brisent.
La tombe est toujours
un sexe de femme attirant l’homme !

*

Desnudo en barro

Como horribles batracios a la atmósfera,
suben visajes lúgubres al labio.
Por el Sahara azul de la Sustancia
camina un verso gris, un dromedario.

Fosforece un mohín de sueños crueles.
Y el ciego que murió lleno de voces
de nieve. Y madrugar, poeta, nómada,
al crudísimo día de ser hombre.

Las Horas van febriles, y en los ángulos
abortan rubios siglos de ventura.
¡Quién tira tanto el hilo: quién descuelga
sin piedad nuestros nervios,
cordeles ya gastados, a la tumba!

¡Amor! Y tú también. Pedradas negras
se engendran en tu máscara y la rompen.
¡La tumba es todavía
un sexo de mujer que atrae al hombre!

*

Naked in Clay

Like horrible batrachians in the atmosphere,
lugubrious smirks rise to the lip.
Through the blue Sahara of Substance
walks a gray verse, a dromedary.

A grimace of cruel dreams phosphoresces.
And the blind man who died full of the voices
of snow. Rise at dawn, poet, nomad,
to the rawest day of being man.

The Hours feverishly go by, and in the corners
blond centuries of happiness abort.
Who spins out so much thread; who ruthlessly
lowers our nerves, cords
already frayed, into the tomb!

Love! And you too. Black stonings
breed in your mask and smash it.
The tomb is still
woman’s sex that draws man in!

***

César Vallejo (1892-1938)Los heraldos negros (1919) – Poésie complète (Flammarion , 1983) – Traduit de l’espagnol (péruvien) par Gérard de Cortanze – The Complete Poetry (University of California Press, 2007) – Translated by Clayton Eshleman.


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