Ce qu'il y a de fascinant dans les mots, c'est qu'ils ont plusieurs sens, et que ces sens multiples sont un moyen de manipulation. Car, quand quelqu'un entend quelque-chose par un mot, quelqu'un d'autre entend autre chose, alors qu'ils croient se comprendre. Un exemple, qui a eu du succès ces derniers temps, est la question de la "vérité".
Une première idée est que l'idéal existe, et que nous devons y parvenir. C'est la "vérité" au sens de "vérité révélée" des religions et des Lumières. Cette définition de la vérité conduit au totalitarisme et au nihilisme.
Mais, comme le notait Aristote, son contraire est aussi un totalitarisme. Exemple ? Le post modernisme qui affirme qu'il n'existe pas de vérité (d'où contradiction : affirmer, c'est croire que quelque-chose est vrai). On attribue l'idée à Gramsci, mais elle est probablement dans l'air du temps. Il existe des systèmes tels que le communisme et le capitalisme, disait Gramsci. Aucun des deux n'est susceptible de s'autodétruire, contrairement à ce que croyait Marx. Par conséquent, choisir l'un ou l'autre est une question de manipulation des esprits (ce que l'on appelle aujourd'hui "post vérité"). Dans ce cas, la "vérité" est remplacée par la notion de bien, elle aussi révélée : je me bats pour le communisme (ou le capitalisme) parce que je sais que c'est le bien. La seule explication possible à ce que l'on s'oppose à moi est "le mal". George Bush faisait du Gramsci sans le savoir. (Ou, plutôt, Gramsci ne savait pas qu'il rejoignait les thèses des fondamentalistes religieux.)
Tout cela est contredit par le fait que ces idées ne donnent pas les résultats escomptés. Il y a donc une "réalité", que ne peut pas influencer l'esprit humain. C'est une autre définition de "vérité". Mais le propre de cette "vérité" est que l'on ne peut pas en faire une définition parfaite et finie. Son essence est de nous réserver des surprises. La vérité est quelque-chose que l'on ne peut pas connaître !
Finalement, il existe une dernière définition de la vérité, qui, elle, est de notre ressort, mais s'oppose aussi aux deux premières : c'est la vérité de "dire la vérité". C'est pour elle que l'on s'est battu durant l'affaire Dreyfus.