(Carte blanche) à Claude Minière : Ecrire après la peste

Par Florence Trocmé


Écrire après la peste

A Journal of The Plague Year demeure un bien curieux ouvrage d’un bien curieux écrivain. Ce Journal de l’Année de La Peste n’est signé que de deux initiales, H. F. Son auteur véritable, Daniel Defoe, aimait déguisements et pseudonymes (il fut ainsi agent secret au service de William III, Prince d’Orange). Il a produit près de cinq cents livres sur les sujets les plus divers. Par l’imagination il a reconstruit paysages, événements, chronologie, actions et personnages du Londres de 1665. Il ne pouvait que « reconstruire » puisqu’il n’avait que cinq ans lors de la terrible peste qui envahit la capitale anglaise. Son Journal sera publié en 1722, neuf ans avant sa mort. L’année précédente, en 1721, la peste s’était déclarée à Marseille. Robinson Crusoe avait paru en 1719.
“It was about the Beginning of September 1664…” Defoe distribue de plus nombreuses majuscules qu’on ne le ferait aujourd’hui. Par cette toute première ligne (« C’était vers le début de septembre 1664…), il fait s’approcher la menace en la forme de rumeurs, d’on-dit, la peste descendrait depuis la Hollande (1). Puis, dès le deuxième paragraphe, il place une incise d’actualité : la situation de la presse. Cromwell avait en 1655 supprimé tous les journaux ; mais, en 1665, quotidiens et revues sont de nouveau à Londres très nombreux. »
« We had no such thing as printed News Papers in those Days to spread Rumours and Reports of Things; and to improve them by the Invention of Men, as I have liv’d to see practis’d since »
« Nous n’avions à cette époque rien de tel que les journaux imprimés pour diffuser ce qui se disait et en améliorer la connaissance par le génie humain, comme il m’a été donné de le voir pratiquer depuis. » (2)
Claude Minière
1. Entre 1664 et 1667, la guerre opposait l’Angleterre et les Pays-Bas.
2. Daniel Defoe lui-même, de 1704 à 1713, produisait la Weekly Review, qui connut un grand succès.