Logement, éducation, emploi, territoires… le moment historique que nous vivons collectivement illustre et ravive les disparités déjà prégnantes au cœur de la société française.
Dans le registre des copies mises au propre, il en est une, limpide et sans rature, qui ne méritera ni correction ni contestation d’aucun jury composé de savants experts. Après des semaines de pandémie et de confinement, une évidence saute en effet aux yeux de tous, même de ceux qui, jadis, se montraient peu réceptifs à ce genre de réalité : l’épidémie est un éclatant et impitoyable révélateur des inégalités sociales.
Logement, éducation, emploi, territoires… le moment historique que nous vivons collectivement illustre et ravive les disparités déjà prégnantes au cœur de la société française. Si des travailleurs autrefois invisibles – dans des métiers jugés indispensables à la continuité de la nation – sortent enfin de l’ombre et jouissent de la reconnaissance au moins verbale de tous, ces mêmes agents de nettoyage, ouvriers, auxiliaires de vie, etc., se trouvent sur deux fronts en même temps. Non seulement ils continuent à aller travailler, au risque d’attraper la maladie, mais ils se débattent dans des conditions matérielles difficiles qui se dégradent encore à mesure que la crise avance. Et que dire, alors, des millions de chômeurs, de précaires et de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ? Est-il nécessaire de le répéter: pendant la pandémie et le confinement, les plus touchés sont les plus pauvres, là où ils survivent, dans les quartiers populaires et les zones rurales laissés à l’abandon. Pour eux, ce sera même la double peine puisqu’ils en paieront plus durement les conséquences sociales après…
Parmi les principales victimes? Les enfants, pour lesquels l’école à distance s’avère soit un casse-tête, soit un frein à l’égal accès à l’éducation. Beaucoup de professeurs multiplient supports et canaux pour que leurs élèves continuent à consolider leurs savoirs, mais une part non négligeable de leur public semble hors d’atteinte, sachant qu’un tiers des 25% les plus pauvres ne possèdent pas d’ordinateur. L’éducation nationale se déclare «sans nouvelles» de 5 à 8% des scolarisés. Ce chiffre, dans les quartiers populaires, serait compris entre 20 et 35%! L’école «à la maison» accroît les inégalités scolaires. Une véritable bombe à retardement supplémentaire…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 8 avril 2020.]