Soyons tout de suite sincères : j'avais été plutôt déçu à la découverte de ses deux albums solo. Seule sa collaboration avec Juan Gómez, entre les deux, m'avait rapidement convaincu. Aujourd'hui, et depuis un petit moment déjà, j'ai énormément écouté et cette collaboration avec le guitariste espagnol et son dernier album qui, bien loin de mon commentaire initial - comme vous le lirez plus bas (j'assume ma critique première, alors pleine de déception...) - car, depuis, j'ai à la fois digéré son premier album, certes pop, mais bien plus sympa que je ne le disais. Tout cela parce que je n'avais pas encore oublié Ojos De Brujo, ce qui est assurément mon erreur.
Je répare ici cette grande erreur, donc, pour l'une de mes artistes fétiches pendant les années 2010, à la fois parce que j'avais continué, d'abord, d'écouter les albums de son groupe, puis, un peu plus tard, ses deux derniers albums sont venus égayer de nombreux moments de ma vie personnelle - seul, en famille ou entre amis. Car sa musique convainc absolument tout le monde. Et cela, à chaque fois.
Dès les premières chansons " Despierto " ou " Aquí estoy ", on retrouve avec bonheur la voix et la vivacité de Marina. Le trio formé avec Roldán et Ruzzo sur " Te gustó " est particulièrement réussi (ces deux derniers ne s'étaient par retrouvés depuis fort longtemps) et nous fait également regretter que leur groupe Orishas ne soit pas non plus en processus de donner suite à leur album de 2008.
Quant à la production de Philipe Cohen-Solal (l'un des trois mousquetaires de Gotan Project), elle semble un peu facile de prime abord mais apporte finalement beaucoup à l'unité de El Baile De La Horas, ne serait-ce que parce que " El carrusel " est une pause très douce et parfaitement bien venue. Plus loin, " Menos mal " nous offrira un nouveau moment de calme, avec un quatuor piano-basse-batterie-trompette des plus efficaces. Jamais ODB n'aurait pu se permettre un tel moment d'accalmie ! Ensuite, " Iré " commence en douceur, avant de nous réveiller petit à petit.
Ojos De Brujo continue évidemment de laisser des traces visibles dans la musique de Marinah, et " Dame flores " est à ce titre une jolie petite tuerie. Par de nombreux moments, on peut entendre une guitare flamenca, mais l'instrument passe toujours au second plan, production pop oblige. Tout sauf pop, et comme pour me faire mentir, " Rayo de luz " clôt en beauté ce premier opus, et on se doute que sur scène, tout cela prendra à coup sûr une force magique.
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Leur album est le résultat d'une collaboration étroite avec Carlos Sarduy (trompette, piano et percussions), qui suit Marinah depuis longtemps. Certes, on trouvera d'abord que huit chansons, c'est peu. Mais Sintonías est bel et bien une œuvre emplie de sentiments et, donc, d'émotions. D'ailleurs, les morceaux durent jusqu'à six, sept ou huit minutes pour certains !
À noter un passage directement adapté d'un poème du grand Federico García Lorca : " Iba el viento embriagado, [...] con mi verde primavera ". " Habanera " est parfaitement intitulée puisqu'il s'agit d'une version personnelle d'une habanera populaire, c'est-à-dire une danse cubaine et dont le titre original est " Mi madre fue una mulata ". " La volandera ", intègre le premier couplet du groupe cubain Rapsodia Rumbera, ainsi qu'un ancien yambú (danse cubaine en couple) composé par Ignacio Piñeiro et, pour finir, une partie de l'ultime chœur inspiré de la comparsa populaire " La jardinera " de Cuba (les comparsas sont essentiellement joués pour le Carnaval). Enfin, notons l'intro en caló (langue romani) de " Sinelo ".
Visuellement, les inconditionnels de Barcelone seront ravis et reconnaîtrons que les photos ont été prises dans la Casa de la Convalescència, siège de l'Institut d'Estudis Catalans...
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Dans cette aventure, Marinah est accompagnée d'un tas de compagnons et grands musiciens qui l'accompagnaient déjà avec Ojos De Brujo : Maxwell (beatbox), Javi Martín (basse), Carlos Sarduy (trompette, piano, production) et Susana Medina (chœurs et danse flamenco), ainsi que les collaborations de Chicuelo (guitare flamenca), Muchacho Serviole (guitare rumbera), David Dominguez (percussion flamenca), Frank Durán (batterie), Dany Noel (tres cubain), Pedro Medina (guitare flamenca) ou encore Julio Nahinim Carbonell (saxo).
Quant aux collaborations vocales, nous retrouvons aussi divers courants artistiques, parmi lesquels la chanteuse andalouse La Mari de Chambao, les rappeurs barcelonais Lágrimas de Sangre, la rappeuse d'origine dominicaine Arianna Puello et le rappeur cubain Kumar.
Au final, l'album demeure dans la même lignée que ses deux précédents dans le sens où il reste évident que, dorénavant, Marinah est avant tout une artiste vouée à la scène. Ainsi, Afrolailo se veut une œuvre à découvrir en priorité en live. Pour autant, l'album, avec sa production sobre mais néanmoins efficace, emballera de toute évidence tout le monde.
(in Heepro Music, le 06/04/2020)