Le député communiste de la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, lance « le grand inventaire des biens communs ». Mûrie depuis de nombreux mois, cette initiative se présente comme une démarche de longue haleine. Par-delà la crise, il appelle à une large participation citoyenne.
La Marseillaise : «Le grand inventaire des biens communs », qu’est-ce que c’est?
Pierre Dharréville : C’est une initiative citoyenne à laquelle je réfléchis depuis longtemps. Pour moi, c’est une démarche au long cours, qui veut nourrir la réflexion et l’action, redonner du sens à la politique. Nous sommes à l’ère de la privatisation du monde, de la marchandisation de tout, de l’accaparement insensé des avoirs et des pouvoirs par quelques-uns. Cette course en avant, où tout est de plus en plus laissé à la main du marché, défait nos liens, casse nos outils, abîme l’humain et la planète. On gagnerait à se redécouvrir sociétaires du genre humain.
Qu’entendez-vous par biens communs ?
P.Dh. : Les biens communs, c’est ce que nous avons en partage ou qui mériterait de l’être. Le premier de ces biens communs à venir à l’esprit, c’est peut-être la planète. Et par les temps qui courent, évidemment la santé, et plus précisément par exemple l’hôpital… Nous sommes en train de le redécouvrir ! Depuis le square en bas de la cité jusqu’à l’eau si précieuse, il y a une myriade de biens communs, matériels et immatériels, à protéger, à promouvoir, à conquérir. Tenez, on pourrait aussi parler d’Aéroport de Paris, de l’Internet. La République devrait aussi y figurer, avec les droits fondamentaux… Le droit à la retraite, tiens, on pourrait l’inscrire au grand inventaire, non ? De ma fenêtre, j’y inscris l’air que l’on respire, puis j’ajoute notre étang de Berre…
Vous citez des choses très différentes…
P.Dh. : Les biens communs sont présents dans toutes les dimensions de l’existence. Il y a des biens communs particuliers, universels, génériques, matériels, immatériels… Nous allons classifier et cela va nous aider à réfléchir. Parce que cela ouvre des tas de questions. Notamment sur leur état, leur statut, leur mode de gestion actuel ou souhaitable… Et très vite, cela pose des questions politiques, dans le concret de la vie. La gestion de l’eau, par exemple, c’est une question passionnante. Cet inventaire n’est pas une simple liste, c’est tout un paysage…
Quelle forme va prendre cet inventaire ?
P.Dh. : Un espace lui est dédié sur mon site Internet, sur lequel on pourra formuler des propositions, tout simplement*. Un jury citoyen, composé d’habitantes et d’habitants que j’ai rencontrés au fil du temps sur le terrain, jouera un rôle d’animation. Et la suite, nous l’inventerons ensemble.
Pourquoi la lancer maintenant et ne pas avoir attendu la fin du confinement ?
P.Dh. : Au cœur de cette crise, des questions essentielles sont en train d’émerger. Beaucoup de femmes et d’hommes réfléchissent, se demandent comment se réapproprier le monde, se réapproprier l’avenir. Déjà, se cherche la relance. Elle devra être sociale, écologique et démocratique.
Nous sommes à un carrefour, à une bifurcation. Nous ne devons pas continuer comme avant. Disons ce à quoi nous tenons, ce qu’il faut réparer, ou conquérir. Le grand inventaire peut nous aider à préparer le monde d’après. Un monde où il faudra mieux partager, mieux prendre soin.
06 avril 2020