7500 morts, officiellement. Sans doute quelques milliers de plus puisque le carnage des Ehpad est mal mesuré et que l'on ne recense par ailleurs, comme en Italie ou en Espagne, que celles et ceux qui tombent épuisés par le virus dans nos hôpitaux. Des scientifiques et des médecins évaluent à dix fois plus que les décomptes officiels le nombre de personnes réellement infectées. Les exemples coréens et allemands, où les tests ont été massifs, sont là pour confirmer que les statistiques françaises sont ridicules.
Face à cette vague médiatisée avec la théâtralisation nécessaire aux pires films catastrophes, l'amateurisme macroniste fait peine à voir. Macron raréfie ses apparitions, il a de la chance, les foules sont interdites. Il s'agace des critiques publiques, il devrait s'en inquiéter. Dans toutes ses interventions, il annone qu'il faut "faire nation" comme un Louis XVI qui cherche à échapper à son sort.
La Mort en Marche fait et fera des victimes par (dizaines de) milliers. Il comptait les sous - les indemnités chômage, le budget des hôpitaux, les APL, le "pognon de dingue" des prestations sociales.
Les Français comptent aujourd'hui les morts.
L'ordure.
Le préfet Didier Lallement, préfet de Paris, explique que les morts du COVID-19 aujourd'hui sont des contrevenants aux règles de confinement d'il y a 15 jours. Les propos sont ignobles, il les prononce calmement, sans énervement, avec le sang-froid de ces troisièmes couteaux brutaux qui ont jalonné l'histoire de France dans ses périodes de répression et de dépression. Didier Lallement, toujours coiffé de sa casquette qui semble trop grande, est un personnage habituel des mauvais moments de notre Histoire collective.
Le silence de la @TeamProgressist sur les propos du préfet n'est pas surprenant, émanant de militants ultras, cyniques et fidèles de la Macronie qui sévit sur Internet pour défendre le clan au pouvoir coûte que coûte.
Lallement n'a eu aucun regret ni remords. Cela se lit sur son visage. Le ministre de l'intérieur lui a téléphoné pour lui demander de s'excuser. L'explication officielle ? "Le propos du préfet de police est inexact". Pas ignoble, juste inexact. Notez la distinction.
La peur.
Attaqué par l'opposition, critiqué par les représentants du personnel soignant, le gouvernement continue de se justifier tous azimuts. Edouard Philippe, Olivier Véran ou maintenant Jean-Michel Blanquer se relaient dans les journaux télévisés pour prêcher leur bonne parole, justifier qu'ils ont bien agi, et critiquer les critiques. Ils montrent qu'ils ont mobilisé des hélicos pour transporter quelques dizaines de malades d'un endroit à un autre, quelques malades parmi quelques milliers; ils rassurent les familles en annulant l'examen du bac. Ils effraient les familles en confirmant à demi-mot que le confinement va (évidemment) durer longtemps, jusqu'en juin, peut être plus. Le second tour des élections municipales serait reporté à octobre.
Philippe confirme sur TF1 que Macron, lui-même et d'autres ministres appellent des industriels pour trouver les médicaments d’urgence qui manquent.... Panique ?
La défense du clan évolue. Lundi, Macron se montre dans une usine de masques. Il critique les critiques, et clame sa bonne foi et celle de ses prédécesseurs. "Quand on vit ce que l'on vit, on ne peut pas demander aux gens de l'avoir prévu il y a dix ans" : Grippe H5N1 en 1997 et en 2005, Sras en 2003, H1N1 en 2009, Mers en 2012, sans oublier Ebola. En 2014, Valls et Touraine réduisent le nombre de lits. Depuis 2017, Macron réduit de 1 milliard par an le budget de l’hôpital. En 2020, voici le COVID-19.
L'amateurisme a des limites.
L'actuel directeur de la Santé, Jérôme Salomon, ex-conseiller de la ministre Touraine qui a initié le déstockage des masques de protection, a-t-il la gorge serrée chaque jour lors de son point presse ?
Il y a deux ans, la principale usine de masques en France a été contrainte à la fermeture pour cause de délocalisation. L'actionnaire, Honeywell, a appelé un ferrailleur pour tronçonner les machines de production et éviter toute reprise par un concurrent éventuel.
Pour éviter des commissions d'enquête parlementaire, les députés macronistes se dépêchent d'auditionner Edouard Philippe... mercredi 1er avril, nul poisson d'avril. Il ne faut pas rire. Le premier ministre n'est pas gêné par les questions complaisantes de ses camarades de jeu. Richard Ferrand, président macroniste de l'Assemblée nationale, a d'ailleurs ouvert le "débat" par cette mise en garde - il ne faut "pas entraver l’action de l’exécutif dans cette phase de crise". On n'est jamais trop prudent. Philippe en profite pour semer le doute sur la gestion allemande: "Quand l’Allemagne dit qu’elle procède à 500 000 tests par semaine, est-on absolument certain qu’elle procède à 500 000 tests par semaine ou qu’elle se fixe l’objectif ou qu’elle pourrait techniquement procéder à, mais qu’il peut y avoir un décalage entre la réalité de ce qui est fait et l’ambition ou l’objectif affiché ?" La mesquinerie n'a pas de limite.
Gérald Darmanin, ministre des Comptes Publics qui justifiait la suppression de l'ISF et autres flat tax pour alléger la charge fiscale des plus riches du pays, annonce qu'il va lancer un grand appel aux dons: "Je lance un grand appel à la solidarité nationale. Beaucoup de particuliers ou d’entreprises nous demandent comment participer et nous aider. Tous ceux qui le souhaitent pourront le faire prochainement, via une plate-forme de dons que nous allons mettre en ligne."« On n’a rien préparé… Il ne reste alors que des mesures extrêmes » Didier Torny, sociologue interrogé par Mediapart.
L'indécence s'ajoute à l'amateurisme.
Mercredi, Edouard Philippe se défend. Mais l'échec français est là. La France manque de lits (25 000 en Allemagne contre 7 000 en France ou 5 000 en Italie), de tests (12 000 quotidiens en Allemagne contre 5 000 en France).
Jeudi, Mediapart dévoile les coulisses d'un fiasco d’État sur la gestion des stocks et les commandes de masques. D'autres médias s'engouffrent dans la brèche.
- Le Plan pandémie n’a pas été activé dès janvier alors que tous les indices étaient là: "On a les chiffres : 0 importation de masques par l'Etat entre décembre et mars !" explique un délégué CGT des Douanes françaises.
- Les stocks publics de masques d’État étaient faibles mais le ministère de la Santé ne décide pourtant de ne commander que de très faibles quantités. Pire la seconde salve de commandes un mois plus tard échoue - Mediapart révèle qu'à peine 40 millions de masques sont récupérés.
- Publiquement, les porte-flingues de la Macronie expliquent que les masques ne servent à rien, ou pas: "fin février, le directeur général de la santé préconisait un masque pour toute personne en contact avec un porteur du Covid. Un mois plus tard, la porte-parole de l’exécutif déclarait que c’était inutile" résume Mediapart.
- Trois mois plus tard, les États de la moitié de l'Humanité se disputent la production de masques (7 milliards commandés par les États-Unis, 20 milliards par la Chine, 2 milliards par la France) - la France vole des livraisons destinées à l'Espagne et l'Italie; les Américains rachètent des livraisons destinées aux Français sur le tarmac des aéroports chinois.
- Et en France, le gouvernement secrètement explique qu'il faudra équiper des millions de citoyens pour envisager un quelconque déconfinement.
- Faute de matériel de protection, des milliers de personnels soignants ont été infectés depuis janvier: 1200 employé(e)s de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont été contaminés par le Covid-19 depuis le début de l’épidémie, révèle Mediapart.
- Plusieurs médecins du conseil scientifique de Macron ont bénéficié d'environ 500 000 euros en hébergements, cadeaux et rémunérations ont été dépensés par d'importants laboratoires .
- Le ministère de la Santé ne mobilise pas les laboratoires biologiques publics pour fabriquer des tests...
Début mars, la France manque de masques, de blouses, de sur-blouses, de gants, de respirateurs, de lits.
Début avril, la France manque toujours de masques, de blouses, de sur-blouses, de gants, de respirateurs, de lits.
La mort.
Un bâtiment du marché de Rungis a été transformé en morgue.
"Le pire du pire, en médecine, c’est d’avoir à décider de la vie ou de la mort de quelqu’un" explique un urgentiste, un parmi d'autres tant les témoignages sont nombreux et se ressemblent. "Nous sommes confrontés à des questions encore inimaginables il y a quelques semaines : nous savons que nous n’aurons pas les moyens de nous occuper de tous les patients de la même façon." Le constat est horrible, mais pas spécifique à la France. Il y a un mois déjà, le même scenario de tri des malades était à l’œuvre en Italie.
A Tourcoing, des soignants sortent et manifestent en silence, épuisés. A Mougins, une plainte contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui» a été déposée par la famille d'une résidente d'un l'Ehpad. En Franche-Comté, deux millions de masques n'ont pas été livrés. Des syndicats et associations réclament à la ministre du travail de respecter le droit de retrait dans les secteurs non-essentiels: "Les petits patrons du BTP souhaitaient arrêter leurs chantiers pour ne pas mettre en danger leur vie et celle de leurs ouvriers ni propager l’épidémie : vous avez osé les traiter de « défaitistes ». Vos services ont publié une circulaire dissuadant les salarié.es d'exercer leur droit de retrait, au motif que le respect individuel des gestes barrières serait une garantie suffisante. Si tel était le cas, pourquoi confiner 3 milliards d’humains ?"
Voici désormais le ministère de la Santé qui demande aux personnels soignants de laver leur blouses à usage unique. Et puis quoi ensuite ? Faudra-t-on fournir les Ehpad en sacs mortuaires ? Le 2 avril, le gouvernement publie un décret l'utilisation chez l'homme de traitements à usage vétérinaire, ayant les mêmes effets thérapeutiques, en cas de pénurie. Le 2 avril, le Conseil d’État rejette la demande de collectifs Inter Hôpitaux et de syndicats de personnels soignants que le gouvernement réquisitionne des moyens de productions pour le matériel de soin. Ces associations ont une adresse email pour recevoir des témoignages de pénurie.
Contre la maladie, le gouvernement a imposé une dictature sanitaire qui laissera des traces. Elle n'a d'égal que l'impréparation du gouvernement.
Ami castor, où es-tu ?