Après une année de contestation du pouvoir, les Algériens observent une « mobilisation sanitaire » face au coronavirus.
Le hirak algérien a suspendu son élan à l’arrivée du coronavirus, les hirakistes se sont tus et leurs mots d’ordre contre le pouvoir et pour la démocratie ont aussitôt laissé place à des consignes de protection, de confinement, voire d’attention aux recommandations des autorités pourtant fermement contestées, mais pas seulement. La citoyenneté connaît une avancée très perceptible dans les comportements et dans les opinions. Les artistes apportent naturellement leur touche, comme ce fut le cas pour la contestation avec le tube Libérer l’Algérie. Un clip fait le buzz, des mots pour sensibiliser et convaincre : « Notre santé d’abord », « S’en sortir pour sortir », « Se protéger pour que la révolution ait un avenir… »
De Blida à Oran, en passant par Tizi Ouzou
Les habitants de Blida, la ville des roses, premier foyer d’épidémie aujourd’hui confinés, reçoivent de nombreux messages de soutien à travers les réseaux sociaux. Des jeunes volontaires entreprennent des opérations de désinfection de lieux publics. Ils prennent soin de médiatiser leurs initiatives qui font vite tache d’huile à travers le territoire.
Les étudiants en pharmacie et chimie de l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, à l’est d’Alger, s’empressent de mettre au point des solutions hydroalcooliques. Tandis que d’autres, à Bouira, fabriquent des masques dans l’atelier d’un tailleur, avec du tissu offert par des marchands. À Oran, c’est le réseau associatif qui assure la livraison des repas aux malades hospitalisés. L’application VTC Yassir propose, en collaboration avec des conducteurs volontaires, un service gratuit à destination des médecins, infirmiers, aides-soignants et agents d’entretien.
La « mobilisation sanitaire » s’organise ainsi avec des bouts de ficelle, « mais le cœur y est », note un Blidéen joint par téléphone. « Les mêmes qui battaient hier le pavé tous les vendredis s’organisent à présent spontanément autour de chaînes de solidarité… » ajoute-t-il, très enthousiaste. « La solidarité dans les coups durs est certes une tradition chez nous, mais le hirak a sûrement amplifié cela, car il est une école de dévouement pour les autres », commente Djamel, médecin à la retraite et hirakiste de la première heure. Le président Abdelmadjid Tebboune salue le « sens élevé de citoyenneté et de responsabilité » des Algériens.
Les autorités font circuler une caravane de solidarité destinée aux populations démunies. Quelque 58 personnes sont mortes du coronavirus et 847 autres sont contaminées, selon un dernier bilan. Le pays retient son souffle.
Nadjib Touaibia