Entrée la première dans la crise du coronavirus en France, la région Grand Est pourrait voir le pic de l’épidémie atteint entre le 10 et le 25 avril. Selon l’ARS, les mesures de confinement commenceraient depuis 24h à produire leurs effets en Alsace, région la plus touchée.
Pour mesurer le fléchissement de la propagation de l’épidémie dans l’Est de la France au cours des 3 derniers jours, le directeur de l’Agence régionale de santé qui a tenu une audio conférence ce vendredi après-midi, en compagnie de la préfète de la région Grand Est, Josiane Chevalier, s’appuie sur deux chiffres, ceux de l’augmentation des malades du coronavirus admis en réanimation, donc de personnes déjà gravement atteintes par le virus.
Il y a 15 jours, le nombre de malades admis en réanimation avait augmenté de 38%. Entre mercredi 1er et jeudi 2 avril, l’augmentation n’a été que de 2,8%. Une chute spectaculaire qui selon l’Agence régionale de santé n’aurait rien d’aléatoire, même si entre le 31 mars et le 2 avril une cinquantaine de nouveaux décès ont été enregistrés, un peu plus que dans la période précédente.
« Plusieurs indicateurs nous font penser que dans les jours qui viennent les mesures de confinement vont produire leur efficacité », estime Christophe Lannelongue, qui explique : « quand nous avons mis en œuvre les mesures de confinement, la dynamique de l’épidémie était très forte avec beaucoup de malades, ce qui fait que dans les premiers jours du confinement beaucoup d’autres personnes sont devenues malades ».
Le confinement étant entré en vigueur depuis le 17 mars (soit il à 15 jours mardi 31 ), et l’aggravation de la maladie intervenant entre le 15 et le 19ème jour, « les signes que nous constatons de ralentissement des entrées en réanimation depuis 24h correspondent bien à ce que l’on sait, par la littérature médicale, sur l’évolution de l’épidémie », ajoute le directeur de l’ARS.
Ce constat est confirmé par un autre, celui du département des Ardennes, très peu touché par l’épidémie. Pourquoi ?
Pour les experts de l’ARS, l’explication tient au fait que précisément, au moment où le confinement a été mis en place partout, le nombre de personnes touchées par le virus était très faible dans ce département.
« Quand il y a peu de malades au moment du confinement, l’épidémie est bloquée net », explique Christophe Lannelongue.
Selon lui, le pic de l’épidémie pourrait être atteint entre le 10 et le 25 avril. Mais, ajoute-t-il, « les conditions restent très durs, on reste sur le fil du rasoir. »
Transferts de malades
Les indices s’expliquent aussi par la baisse de la pression sur les services d’urgence des centres hospitaliers publics d’Alsace, obtenus à la fois par le transfert de patients en réanimation dans d’autres régions françaises, mais aussi en Allemagne, en Suisses et au Luxembourg. « Sans ces transferts, nous ne serions pas passés », affirme le directeur de l’Agence régionale de santé.
L’autre facteur qui a permis de venir eu secours des hôpitaux en grande difficulté a été l’ouverture de lits de réanimation dans les cliniques privées. A la différence de ce qui se passe dans d’autres régions françaises, une centaine de lits ont été créés. Ils sont aujourd’hui tous occupés. Sans cette aide, « nous n’aurions pas pu garantir l’accès à la réanimation de tous les malades », affirme Christophe Lannelongue.
156 transferts ont été organisés depuis le début de l’épidémie, aussi bien dans d’autres régions françaises qu’en Allemagne, premier pays vers lequel sont évacués les malades (5 109 transferts, notamment dans les Land frontaliers du Grand Est), en Suisse et au Luxembourg.
Ces transferts de patients se poursuivront la semaine prochaine car il n’y a plus de possibilités d’augmenter aujourd’hui les capacités d’accueil des malades dans la région.
« Il y a encore une dizaine de jours d’efforts considérables à faire », évalue le directeur de l’Agence régionale de santé.
Autre signe d’espoir dans l’évolution de l’épidémie dans le Grand Est : le nombre de patients qui sortent de réanimation a fortement augmenté au cours des dernières 24h. Aujourd’hui une trentaine de personnes sortent de réanimation, alors qu’il n’y en avait que 10 ou 15 dans les jours précédents.
Les EHPAD sous pression
Avec 411 EHPAD sur 620 ( environ 2 sur 3 ) touchés par le coronavirus, et 570 personne décédées, les maisons de retraite du Grand Est sont frappées de plein fouet par l’épidémie.
Christophe Lannelongue admet que dans ces établissements « la situation est très difficile ». Presque la moitié des morts par le Covid-19, proviennent des EPHAD. Pour l’instant, la généralisation des tests en maison de retraite n’est pas en cours, mais l’ARS dit y « réfléchir ». La méthode devrait être testée dans l’un des EPHAD de la région à partir de la semaine prochaine.
L’autre problème vient de la difficulté à trouver des personnels qualifiés pour faire face à la crise, dans un secteur que de nombreux professionnels dénoncent depuis plus de deux ans comme sous doté en effectifs. Il faut désormais y ajouter une nouvelle réduction des effectifs provoquée par les personnels eux aussi atteints par le coronavirus.
Médicaments et masques
L’absence criante de masques signalée dans de nombreux services médicaux depuis plusieurs semaines va-t-elle pouvoir être résolue ? L’ARS l’estime, expliquant que 5 millions de masques vont être mis en place dès lundi, à destination de tous les professionnels de santé, qu’ils soient dans les structures hospitalières ou en ville ( médecins, pharmaciens, infirmières.)
Autre point noir, le risque de rupture dans l’approvisionnement de certains médicaments, 8 médicaments différents étant nécessaires en réanimation. « C’est vrai, la situation est très tendue», estime le directeur de l’ARS, qui espère une amélioration de la situation dans les jours qui viennent. En attendant, depuis hier, un système a été mis en place dans tous les établissements hospitaliers du Grand Est pour comptabiliser l’état des stocks en temps réel.
Depuis le début de l’épidémie, 1178 personnes sont décédées du coronavirus dans le Grand Est. 4657 patients ont été hospitalisés, dont 949 sont passés en réanimation.
Les hôpitaux, dans le même temps, sont passés de 465 lits de réanimation à 1170.
Jean-Jacques REGIBIER
03 avril 2020