En complément de la note qu’il a écrite sur le livre d’Emmanuel Laugier, Chant Tacite,
Jean Renaud a opéré ce choix dans le livre
pour l’anthologie permanente de Poezibao.
21 février
le bord du fruit pourrissant
autour de quoi le carnet
de jour de nuit tourne
sa masse de jaune revenue
attaquée sur le bord
qu’il ne faut pas soustraire
de l’ensemble des gestes
dure ainsi d’une simple chose
disposée
je cherche le bruissement du poème
son plan d’attaque vraie
22 février
le voisinage de tout cela
quand les choses
entrent
ne sortent plus de leur graduation muette
me revient
face au fruit devant posé
le coin qui le gangrène
est une masse de bruns
il tourne sa face
sur la table seule sans personne
23 février
il faudrait pouvoir ainsi
s’éloigner de ce voisinage
le porter vers un point où il n’existe plus (presque)
que la couleur épaisse de la poire
ressouvenue et posée
sur la table
viendrait modifier les gestes et ceux
et les autres qu’autour
///
23 juillet
le temps fait masse suffocante
l’air s’est raréfié d’un cran
un âcre éclat sourd a passé sous le sabot de l’âne
au milieu du champ écrasé de mouches
je cherche l’allégresse d’être seul
pour seuls repères
des points acides de jaune sur un flan râpé
genêts tardifs
floconnements de guêpes
le profil de femmes fières
la clarté de l’événement à suivre
m’envahissent je pense
aux tons violacés d’une figue
fendue
entre les mains
24 juillet
le mot que j’écris est dehors
tassé dans la chaleur
sans hésitation
il se détache — il est seul
je le tiens entre mes deux doigts
alors que je m’éloigne il revient
la même proportion irréprochable
le détache et le donne
: nous allions dehors
la méthode de description tint à la même simplicité
bâton — pierre — verre — os
font membranes
géométrie du rapport
à quoi la cause ajoute
25 juillet
retourner vers la sensation durable du jour antérieur
l’importer dans le jour-même
le carnet entend en sourdine ces mouvements
sans répit
ils frappent le tympan
une basse
à l‘envers de la phrase
un chantier sourd de mots
isolés un éboulis sur quoi reprendre
former des lignes d’écoutes
arméniennes
Emmanuel Laugier, Chant tacite, Éditions Nous, 2020, 240 p., 22€