La Malédiction du Pétrole, la chronique raffinée

Publié le 02 avril 2020 par 7bd @7BD

La Malédiction du Pétrole, une BD sur l'histoire de l'exploitation du pétrole des années 1870 à nos jours


Titre : La Malédiction du Pétrole
Auteur : Jean-Pierre Pécau (scénario), Fred Blanchard (dessin)
Éditeur : Delcourt
Collection : Hors collection
Année : 2020
Page : 112

Résumé d'une histoire de l'or noir:

Le temple du feu d'Atechgah, à 30 km de Bakou, possède une flamme éternelle qui brûle depuis lla nuit des temps. Mais cette flamme s'est éteinte en l'an 2000. Bakou, qui a été le centre de l'exploitation pétrolière sur le continent Russe à la fin du dix-neuvième siècle n'est plus qu'une ville en ruines. Elle s'est éteinte elle aussi. Le pétrole, qui apporte progrès, civilisation, nourrit aussi les plus sombres sentiments humains. Son histoire démarre en 1872 quand les frères Nobel débarquent dans la région de Bakou...

Scénario inspiré de faits réels :

Jean-Pierre Pécau offre une histoire glaciale de l'exploitation des pétroles. Une histoire qui amène rapidement à ces mystérieuses sept sœurs. Sept sociétés pétrolières qui n'en faisaient qu'une à l'origine. Telle une hydre à sept têtes, qui finit par s'entredévorer pour rester quand même une créature extrêmement dangereuse, même si elle a perdu quelques têtes.
Un récit qui donne une vue d'ensemble de notre histoire, sous le prisme de la quête du pétrole. Une histoire qui nous rappelle encore une fois que l'homme est un loup pour l'homme, et que les plus belles inventions et trouvailles de l'humanité servent souvent à réduire cette même humanité en esclavage.
Ce récit, qui nous livre en fin de tome toutes ces sources bibliographiques, est impressionnant. Il ne s'agit pas d'un rapport d'enquête circonstanciée rébarbatif, mais bien de l'explication, de la présentation de faits et de préciser quand ceux-ci prêtent à caution, quand il n'y a pas moyen de les prouver et qu'il ne s'agit dès lors que de théories. Mais comment vous expliquer que ces théories ont un goût de vérité tant elles renvoient à d'autres événements déjà lus ou vécus.
Parcourant deux siècles et des poussières d'exploitation du pétrole, cette BD fait ressortir un schéma curieux : une trouvaille qui manque de ne pas être trouvée, un personnage assez fou, décalé, un développement express avec mise en place d'un monopole, et des jeux d'alliance. tout cela jusqu'à la trouvaille suivante et le nouveau personnage un peu bizarre et le cycle reprend. L'or Noir serait-il l'or des fous ?
Mais surtout, il se dégage de ce récit une froideur au niveau de ses décideurs. Comme si ceux qui avaient le pouvoir ne voyaient que l'intérêt de leur pouvoir et de l'augmentation de ce dernier. Cynique, amoral, sans pitié, Nobel, Rockfeller, et autres hommes de l'ombre nous sont dévoilés dans ce recueil. Parti pris ? Peut-être, peut-être aussi juste des faits qui mis bout à bout créent ce sens

Le dessin symbolique et oppressant:

Cette impression de monstruosité des chefs du pétrole est renforcé par le trait et le style de Fred Blanchard. Optant pour le noir et blanc, et gris aussi, il nous offre un dessin réaliste mais clairement tourné vers le symbolisme. Les créatures représentant états, pays, sociétés, se succèdent, les cases illustrant une information par une pièce, une tentacule, un amas de bidons, s'enchaînent, se renvoient l'une à l'autre, se répondent avec une logique qui nous glace le sang. Car pour l'exploitation de cet or noir, ce sont nos vies qui sont sacrifiées sur l'autel de la production et de l'intérêt financier.
Le trait statique, solide, pose comme des tableaux les cases qui, sans montrer crûment l'horreur de certaines décisions, mais en utilisant des schémas symboliques, n'en gardent pas moins un impact dur et fort.
Impact renforcé par un choix drastique pour les cartons, tous noirs, et la police utilisée, style machine à écrire tout en majuscule. Le tout s'harmonise pour nous faire prendre conscience de cette véritable malédiction.

Conclusion d'une BD sombre :

La Malédiction du Pétrole est une BD à lire si vous souhaitez connaître et comprendre un des grands nerfs des décisions géostratégiques des deux siècles derniers. Une occasion de se rappeler que pour certains de nos frères humains, un baril d'or noir vaut bien quelques litres de sang. Surtout celui des autres.

Zéda et la malédiction du pétrole.