Je les ai entendus parler
Avec leur voix de vent
De tout le mystère de la vie
De toute la maîtrise de la mort,
Je n’ai pu dormir une seule heure
Sans être soudain troublé par leur étrange propos
Qui se glissait suavement dans mes oreilles.
L’un dit : il était une fois une femme sans ami,
Qui se tenant au-dessus de la mer, avait pleuré
Sa solitude à travers les vagues vides
Heure après heure.
Et toutes les voix :
L’oubli, c’est comme être sans-amant
L’oubli, c’est comme être sans-amant.
Et puis à nouveau il était une fois un enfant
Sur terre, qui ne connaissait pas la joie,
Car il n’y avait pas de lumière dans ses yeux
Car il n’y avait pas de lumière dans son âme.
L’oubli, c’est comme être aveugle
L’oubli, c’est comme être aveugle.
Je les entends parler dans l’ombre
Leur langue de mort.
*
Since, on a quiet night, I heard them talk
Who have no voices but the winds’
Of all the mystery there is in life
And all the mastery there is in death,
I have not lain an hour asleep
But troubled by their curious speech
Stealing so softly into the ears.
One says: There was a woman with no friend,
And, standing over the sea, she’d cry
Her loneliness across the empty waves
Time after time.
And every voice:
Oblivion is as loverless;
Oblivion is as loverless.
And then again: There was a child
Upon the earth who knew no joy,
For there was no light in his eyes
And there was no light in his soul.
Oblivion is as blind.
Oblivion is as blind.
I hear them say out of the darkness.
Who have no talk but that of death.
***
Dylan Thomas (1914-1953) – Vision et Prière (Poésie/Gallimard, 1991) – Traduit de l’anglais par Alain Suied.