Conclure ce blog par ce billet, celui que je préfère. Certains ne l'ont peut-être pas vu sur mon blog précédent donc voilà !
Un cafard dans le métro
Quand deux feuilles vous sauvent la mise !
Tu m'as demandé mon
métier, je te l'ai dit ! Tu m'as demandé d'écrire un papier sur toi ?
Comme je te l'ai dit, je l'écris. Tu m'as demandé de le publier ? Ca ne
dépend pas de moi, mais j'aimerais bien... Je t'ai donné ce site pour
que tu ailles dessus alors oui, même s'il est un peu long ce papier,
moi aussi, j'aimerais qu'il soit publié et surtout que tu le lises. Et
que beaucoup de gens le lise ! En espérant que ceux qui gèrent ces
blogs, le passent...
23h45, je sors du boulot hier soir ! Je choppe le métro 6 à Charles De Gaulle-Etoile pour rentrer chez moi. Je suis crevé, heureux de ma journée de taff, mais crevé. Première station de métro, Kleber. Les portes s'ouvrent, cinq jeunes de banlieues entrent dans le métro clopes au bec et bout de "teshi" à la main. Là déjà, je le sens, c'est mal engagé. Un blond se case juste en face de moi. Il me dévisage de haut en bas, admire sans doute mon manteau de petit bourgeois et mon écharpe de couleur bleue... "très e" ! Affaire très très mal engagée. MP3 sur les oreilles, je ne calcule pas, évite la confrontation. Pas envie de me casser les couilles ce soir. Mais l'autre, avec ses yeux bleus, je le sens, en face de moi... Me regarder comme un petit péteux de bourgeois qui vit dans le 15e et qui gagne 3 patates par mois. Visiblement, ça l'emmerde, il me dévisage du regard. Je le sens, ce soir, c'est son soir... Il a juste envie de décoller une droite. Peu importe, lâchez une droite, lâchez ses nerfs et faire son malin. Le combat de regard commence... Pas comme dans la série des lascars non ! Un combat de regards entre moi, le petit péteux de bourgeois, et lui, la caillera des cités.
Inconsciemment, je me rapproche de son visage comme pour le défier encore plus... Ca y est, il est prêt, elle va partir. Il me mate. Je suis inconscient mais je ne baisse pas le regard. J'attends l'action pour la réaction. Sa première action ? Ouverture de la bouche et premières sonorités qui sortent sous la tension : "T'as pas des yeufs ?????". Je ne le quitte pas du regard et sans me démonter : "Si, j'ai ça". "Des grandes feuilles ??" "Ouais, j'ai ça". Le mec est sur le cul. Dix secondes avant, je sentais déjà sa droite partir. Désormais, lui-même et ses potes m'applaudissent. Je suis devenu le héros du tro-mé. Passé en une minute de temps du petit péteux de bourgeois au grand frère qui cartonne. Je lâche mes deux dernières feuilles. De toute façon, j'avais plus de roulé. Je suis désormais élevé au rang de légende urbaine... Mes deux dernières feuilles... Ils commencent même à discuter avec moi. Je sais bien que tout peut encore basculer. Me demande où j'habite, ce que je fais etc, etc, etc...
Ils fument dans le tro-mé. Ils fument même les bédos, mode "rien à foutre". Les gens ferment leur gueule et moi aussi. Je pourrais l'ouvrir mais tout peut encore basculer. Le petit blond, en face de moi, est redescendu d'un cran, il me kiffe maintenant. Je crois même que j'aurais pu tenter de lui rouler une pelle... tellement il me kiffe. Il aurait été honoré... Il sort sa bombe de peinture et commence à graffer les sièges et il est fier. Fumeur de bédos et casseurs de couilles. Mais aussi, taggeur et graffeur à ses heures. "Moi je suis un graffeur tu vois... Je graffe mon nom et ma ville". Et moi, je ne sais même pas pourquoi : "C'est quoi ta ville ?" "78100..." "Ouais, d'accord mais c'est quoi ta ville ?" "St Germain en Laye". "C'est marrant, j'ai vécu dans le 7-8 tout près de St Ger, à Marly le roi..." "Ah ouais où ça ?" "Aux Grandes Terres". Ca y est, maintenant que j'ai des feuilles, que j'ai lâché mes dernières et que j'ai vécu juste à côté de chez eux, je pourrais même tenter d'autres prouesses à connotations sexuelles, tellement il me kiffe, il accepterait...
"Connard...", je me dis dans ma tête. Bref, les potes roulent le bédos, lui, sans doute n'imaginant même plus me décoller une droite ou me "pé-ta" mon MP3, change de places avec de deux de ses potes... Moi, j'ai déconnecté, remis mes écouteurs sur les oreilles et je suis passé à autre chose. Et là, nouvelle tension... Pas avec moi, mais avec un petit péteux de bourgeois du 15e, un vrai... Un de ceux qui n'a pas de feuilles sur lui pour lui sauver la mise.
De loin, avec mes écouteurs sur les oreilles, je n'entends plus grand chose, j'ai l'impression qu'il discute... Jusque-là, tout va bien... Mais ce qui compte, c'est pas la chute! Le petit péteux de bourgeois, collé à la vitre sur des sièges de quatre personnes, se lèvent et s'apprêtent à sortir. Les lascars ne bougent pas. Ne sachant pas quoi faire, il se décide alors à les enjamber. Erreur, première erreur. Et c'est parti... Ca y est, il voulait un début d'embrouille, l'histoire de se chauffer un peu, ils l'ont. "Ouais z'y vas, tu m'enjambes pas comme ça..." Le mec va rater sa sortie, c'est sûr, il le bloque ! Il le bloque avec leurs jambes... Je me retourne, la joue à la mode grand frère et commence à légèrement gueuler. Qu'est-ce que je peux faire de toute façon ? Personne ne bronche dans le tro-mé... Et le seul qui peut avoir de l'influence sur eux ce soir ? C'est moi...
C'est bien ma veine ! Ligne 6 charles de gaulle-étoile - nation ? De toute façon, personne ne bouge... Je commence vraiment à gueuler : "Lâchez-le, putain, ce que vous faîtes, ça sert à rien, c'est complètement con". Le blondinet, qui voulait se chauffer, est trop occupé à casser les couilles au petit péteux de bourgeois pour m'écouter... Deux de ses potes se retournent quand je parle. Je me décide alors à en chopper un entre quatre yeux pour lui expliquer la connerie du truc. Si moi, il ne m'écoute pas, peut-être qu'un de ses potes... En même temps, je continue à voir la scène à côté de moi...
Le gars a raté sa sortie, c'est foutu pour lui. Il me regarde même et n'a pas besoin de parler. Je sais ce qu'il pense : "Toi seul peut faire quelque chose maintenant pour que ça ne se finisse pas trop mal pour moi..." Vous savez, les yeux d'un mec qui flippe et qui tente de dire en même temps : "Tire-moi de là, putain tire-moi de là". Mon gars, si tu veux que ça finisse en "fight", effectivement, je peux te venir en aide. Mais à 5 contre 2 avec moi, qui ne me suis jamais battu, et toi, avec ta gueule de petit péteux de bourgeois, je pense qu'on est mal barré... Très mal barré ! Je reprends donc "la négociation" avec le pote de blondinet. Une discussion à deux balles avec des arguments hyper convaincants... "Franchement, c'est trop con ce que vous faites...". Qu'est-ce que je pouvais dire en même temps ? Et la réponse qui fuse : "non mais laisse tomber, quand mon pote est comme ça, ça sert à rien, il n'écoute personne".
Et merde... Ca va mal, blondinet n'écoute personne... C'est encore un de ces jeunes qui ne se reconnaît plus dans la société, qui ne croit plus en rien et qui n'en a plus rien à foutre. Le président Sarkozy pourrait lui parler, il ne l'écouterait même pas ou lui répondrait sûrement : "Je t'em... sale c..." ou "Je t'en... sale c...". Dernière chance, je tourne la tête et commence vraiment à gueuler en apostrophant direct blondinet. C'est la der des der. Pas de réponse, la petite embrouille continue... A croire que ça les amuse, que ça les distrait... Ca commence vraiment à chauffer quand, le mec qui roule le bédo à côté, voit que la petite embrouille pourrait lui faire perdre tout son matos. Si le petit péteux de bourgeois lui tombait dessus... plus de matos! Je regueule, mais cette fois-ci, j'ai un allié, un allié de circonstance, je le sais ! Le pote de blondinet commence aussi à s'énerver. Ce doit être le chef de la meute car blondinet, taggeur et graffeur à ses heures, tend une oreille. Le petit péteux de bourgeois profite de la légère diversion pour vraiment forcer le passage et sortir juste à temps... deux stations plus tard. Ouf ! Les esprits se calment et l'ambiance redescend enfin.
J'apostrophe une dernière fois blondinet pour lui balancer dans la gueule un : "Franchement, à quoi ça sert ?" Du tac au tac, il me répond : "On les connait ces mecs-là, on sait comment ils sont...". Et moi, dans ma tête : "Il y a cinq minutes, tu pensais que j'étais l'un d'eux, connard ! Ce mec-là, ce soir, ça aurait pu être moi, moi que tu vois presque maintenant comme un de tes grands frères..." Ils sortent à Bir-Hakeim, en même temps que moi... C'est bien ma veine... Me demande ma profession. "Je suis journaliste". "Ah ouais sérieux? Ou ça ?" "Sur un site internet. Tiens, vas-y demain, je ferais un papier sur vous". "Sérieux ?" "Ouais, ouais, sérieux..." "Tu t'appelles comment ?" "Je m'appelle cafard" me répond-il avec un sourire en coin. "Ok Cafard... (tu me prends décidément pour un con...), demain, je te jure, il y aura un papier sur toi".
Hé Cafard ? N'en sois vraiment pas fier de ce papier... mais tu vois, je l'ai fait...
En espérant, Cafard, que votre cerveau vous serve enfin à comprendre quelque chose...
Dédicacé à tout ceux qui jugent les gens sur leur apparence.