Les sucreries de Matthieu Corpataux ne se veulent pas mièvreries.
Ses poèmes sont des Sucres
Qui attaquent lentement, à la racine
A l'aide de la langue, ce muscle infini.
Il aimerait bien en tout cas qu'ils émergent du flot
De mots mis en livres
Comme il y a trop de tout, comment retrouver ses grains parmi des
Sahara entiers?
Eh bien, par les souvenirs qui les tamisent:
- les chaussures de sa prof d'école
- sa maman
Qui shoote dans un ballon
- une guêpe qui le pique
- un but marqué
- un nom sur un maillot
- des mots sur lesquels il heurte:
D'autres vies
que la mienne
- les clés perdues alors
Que les seules clés à ne pas perdre
Sont celles de lecture
- la console cassée
Etc.
Oui, mais ne faut-il pas, devant l'immensité vertigineuse de l'univers
Faire des noeuds avec des grains
Puis des mots que l'on conglo-
Mère, pour combler de la mémoire
Les trous et les trous noirs?
En somme, il faut un grain au jeune poète pour décomposer d'abord, recomposer ensuite:
Quelle folie
Me reprend
Aujourd'hui?
De condenser en châteaux
Des lettres
De Sahara et de sucre
L'accomplissement poétique ne peut qu'être un sonnet, en alexandrins, dédié à sa belle, avec pour grain de sucre final ce tercet, où le un et le tout pactisent:
Je les aime. J'aime ces souvenirs gigognes
Ces dépôts - le thé vert et la robe d'été,
Petits grains de sable, des Sahara entiers.
Francis Richard
Sucres, Matthieu Corpataux, 56 pages, Éditions de l'Aire