Voici donc pour toi, cher lecteur, l’extrait polémique :
« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »
Sans tomber dans les affres soporifiques de l’exégèse, il n’en demeure pas moins que cette allusion, prise telle quelle, est clairement antisémite, n’en déplaise aux fans du désormais ex-dessinateur de Charlie Hebdo.
Primo, on ne voit pas quel lien substantiel existerait, d’une part, entre le « plaignant arabe » et « la fiancée juive » et, d’autre part, entre le procès en correctionnelle et le projet de mariage de Jean Sarkozy avec l’héritière du groupe Darty.
Secundo, en associant maladroitement la religion à deux faits divers (qui n’ont donc aucun lien entre eux ni avec une quelconque croyance métaphysique), dans le but de dénoncer le comportement de Jean Sarkozy qu’il juge aussi désinvolte que celui de son père, Siné a pris le risque de brouiller le sens même de son message.
Tertio, il y a manifestement un amalgame entre « judaïsme » et « réussite sociale » comme il y a un amalgame, même énoncé implicitement, entre « arabe » et « islam » (or, tous les arabes ne sont pas musulmans comme tous les juifs ne sont pas riches) et entre « arabe » et « injustice ».
L’antisémitisme du propos est donc de type « économique » et on le retrouve d’ailleurs dans certains milieux d’extrême gauche. Cet antisémitisme n’obéit pas à des considérations racistes ou religieuses, comme c’est le cas dans les cénacles d’extrême droite.
Voilà pour le propos. Venons-en maintenant à l’auteur.
Si l’extrait incriminé est clairement antisémite, cela ne signifie pas pour autant que Siné est antisémite. Pour que l’on puisse le définir comme tel, il faudrait démontrer une constance et une répétition dans ce type d’amalgame idiot. Or, le dessinateur est notoirement connu pour son anticléricalisme virulent qui l’a poussé, à maintes reprises, à des excès de langage à l’encontre de toutes les religions.
C’est la raison pour laquelle, les procès d’intention qui lui sont intentés par quelques olibrius du microcosme médiatique sont écoeurants (notamment celui intenté par sa suffisance Claude Askolovitch, du Nouvel Observateur, qui s’en donne à cœur joie).
Il y a eu indiscutablement une maladresse de la part de Siné qui a certainement cru faire un mot d’esprit. Il s’est lamentablement planté. Mais cette erreur ne dispense pas ses «courageux» contempteurs à un minimum de retenue et d’élégance.
Comme cela ne suffisait pas, on a appris que « l’humoriste » Dieudonné était, lui aussi, en plein centre d’une polémique qu’il a provoquée. Le parrain de son quatrième enfant ne serait autre que Jean-Marie Le Pen, président du Front National. Le président du FN a confirmé la nouvelle.
Cependant, la simultanéité de ces deux événements ne les rend pas identiques.
Dans le cas de Siné, il s’agit vraisemblablement d’une maladresse dont l’auteur n’a sans doute pas mesuré l’impact au moment où il l’a commettait. Reste à savoir s’il aura l’intelligence de faire amende honorable, ce qui n’est pas sûr.
En ce qui concerne Dieudonné en revanche, il s’agit d’une volonté délibérée de choquer. Sauf que n’est pas provocateur qui veut. Il y faut un minimum de talent, ce dont Dieudonné – il faut bien le dire – apparaît dépourvu depuis qu’il s’est séparé de son partenaire Elie Semoun.
On a au contraire le sentiment triste d’assister à une longue et interminable dérive de quelqu’un qui voudrait inciter les humoristes professionnels à rompre avec un certain conformisme politique. Si l’idée pouvait être séduisante au départ, sa mise en œuvre s’est rapidement révélée catastrophique. En croyant peut-être aujourd’hui ridiculiser et instrumentaliser Le Pen, Dieudonné semble sous-estimer ce vieux briscard de la politique et, en fin de compte, ne pas se rendre compte que c’est exactement le contraire qui est en train de se produire.
Le mot d’esprit est en effet un art tout d’exécution. Même si l’intention est là, il ne fait pas toujours mouche.
On aimerait donc prendre Dieudonné en pitié sans toutefois y parvenir.
A son égard, il faut juste se montrer économe de son mépris, en raison du grand nombre de nécessiteux.