Rions un peu en attendant la fin du monde (8)

Publié le 29 mars 2020 par Powwow
4-Une furieuse envie, même. J'avais dit trois mais en fait c'est quatre, bien que le quatre ne soit qu'une extension du trois dans le cas présent, comme un addendum, c'eût pu être trois et demi mais ça faisait pas un compte rond, j'aime ce qui est carré, et le quatre est la représentation typique du carré.  À moins que ce ne soit le deux.  Ou d'autres encore.  Mais on n'est pas là pour faire une fixette sur les représentations typiques, sinon on va passer pour des maniaques, la représentation typique des gens qui ont des névroses obsessionnelles.  Moi j'ai pas ce problème. Une furieuse envie de me familiariser, aussi, il faut bien le reconnaître même si cela nous coûte, avec le logiciel Open office, le traitement de texte libre qu'on peut télécharger gratuitement autant qu'on veut comme un malade.  Moi j'en ai vingt-six versions, toutes la même.  Des versions de secours.  Sur mon disque dur, en cas de plantage.  Comme ça s'il se crashe un jour, mon disque dur, je saurai que j'avais plein de versions de secours.  C'est apaisant, je trouve. Se familiariser donc, pour faire des mots, des phrases, des paquets de mots et de phrases, qui puissent représenter à un instant T ce qu'on veut représenter en écrivant à ce même instant. J'ai jamais compris pourquoi on ne disait pas l'instant I, comme on dit l'heure H, le moment M, le jour J (pour jeudi), le plat P à gratin G, le rayon R.  Je n'ai pas plus compris pourquoi on disait le rayon X, la bombe H ou le point G. Alors qu'il y a les magasins Point P, pourtant.  On devrait dire, en toute logique, le xayon X, la hombe H ou le goint G.  Mystère.  Ou alors quelque chose m'échappe.  Mais on s'en fout. Se familiariser donc, pour faire des mots, sur plein de pages.  Parce qu'au début de ma pratique du traitement de texte, je dois bien l'avouer, sot comme je suis, n'ayant pas eu le plaisir d'inventer la poudre, j'appuyais toujours sur la même touche, il ne me venait pas instantanément à l'idée de changer parfois de touche.  Alors c'était facile, ça faisait comme ça: ppppppppppppppppppppppppppp, ppppppppppppppppppppppppp ppppppppppppp ppppppppppppppppppppppppppppppp pppppppp ppppppppppppppppppppppp. Ou: UUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUU UUUUUUUUU; UUUUUUUUUUUUU. Mais de l'avis de ceux qui ont lu mes premiers livres, des gens en qui j'avais toute confiance, qui étaient avisés et qui avaient déjà lu des livres auparavant, on s'ennuyait vite. Et ferme. Pire, on s'endormait même, quand je faisais des: ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ. Jusqu'à ce que je comprenne qu'on pouvait changer de touches et faire des trucs moins jolis mais plus compréhensibles, pour le lecteur.  Où l'on perd en créativité et en expression artistique, on gagne en lisibilité et en compréhension, c'est vrai.  Faut faire le choix, c'est tout.  Faut savoir qu'est-ce qu'on veut.  Soit on est artiste, soit on est compris.  On ne peut pas être les deux.  D'ailleurs, un artiste qui pleure tout le temps en disant qu'il est incompris, c'est qu'il est donc un bon artiste, bien formaté, bien dans le moule d'artiste, et ça on le comprend.  C'est donc un artiste incompris qu'on comprend. À l'inverse, un artiste qui pleure tout le temps en disant qu'il est compris, là on comprend pas.  Ce n'est pas un bon artiste, et on ne s'étendra pas sur lui, on ne va pas en plus lui faire de la publicité. À suivre...