Impensable. L’Italie a bloqué hier le sommet des dirigeants européens qui se tenait par visioconférence, en refusant d’adopter les conclusions proposées au vote des 27.
Avec le soutien de l’Espagne, l’Italie demande aux « cinq présidents » (Conseil, Commission, Parlement, Banque centrale et Eurogroupe) de mettre au point d’ici « dix jours » une nouvelle « proposition » pour répondre à la grave crise économique qui menace le continent. Une situation inédite. La crise du coronavirus est-elle en train de contraindre l’Union à un changement de politique ?
Ni la crise financière de 2008, ni celle de la dette de la zone euro de 2010, n’avaient permis de saines remises en cause. Pire, elles avaient été l’occasion de réaffirmer l’orthodoxie libérale comme la règle dans le vieux continent. La Grèce qui s’était aventurée sur un chemin différent a été remise, avec une grande violence, en conformité avec les dogmes libéraux. Son peuple fut étranglé par les injonctions successives de la Banque centrale européenne, de la Commission et du Fonds monétaire international à rembourser la dette. Pour l’argent en jeu bien sûr mais encore davantage pour l’exemple.
Alors aujourd’hui, le corset libéral de l’Union européenne peut-il craquer ? Déjà, les règles absurdes de stabilité budgétaires et l’interdiction d’aller au-delà des 3 % de déficit ont volé en éclat. Même Emmanuel Macron, coqueluche des libéraux européens, a apporté son soutien à l’idée d’un « emprunt » commun à la zone euro. À la fois une rustine et un aveu: il n’est pas possible de continuer comme avant.
Combien de morts et de souffrance aura-t-il fallu pour cette inflexion ? Combien auraient pu être évitées par des politiques permettant d’orienter l’argent vers le développement des services publics et singulièrement du système de santé et de protection sociale ? À qui fera-t-on payer l’après ? L’histoire jugera durement les grands prêtres du libéralisme et leurs armées de bigots.