C’est d’un péril extrême
Que vient ma survivance
Empreinte de l’inouï
Sur la trace familière
J’épelle dans le Chaos
Ma liberté première
Ma poésie
Riposte à l’existence
Mon existence
Riposte à l’infamie
Dernier rempart vivant
De l’insécurité
Puissant contrepoison
De toute prédication
Virus insupportable
Pour le néant souriant
Je suis ce rien obscur
Contre qui l’on ne peut rien
Je suis ce grain de sable
Mortel pour l’engrenage
Je suis cette lettre scellée
Où butent les écritures
D’un bout à l’autre souillé
D’un bout à l’autre intact
Plus seul que solitude
Quand elle pétrit sa mort
Je suis ce piège tendu
Devant la horde en marche
Fléau pour les troupeaux
Sinistre pour les bergers
Plus homme que tous les hommes
Plus loup que tous les loups
Surgi d’un sombre non lieu
D’un non lieu intouchable
J’écris
C’est un mystère
Je vis
C’est un miracle
Perpétuel brûlot
La guerre est mon repos
J’aime la lumière sacrée
Des ombres écartelées
Et la faiblesse qu’on perce
Et la puissance qu’on mate
Et l’angoisse qu’on brise
Et le frisson qu’on viole
Quand la raison s’effondre
Devant la juste parole
***
Paul Valet (1905-1987) – Que pourrais-je vous donner de plus grand que mon gouffre ?