Boeing-Airbus, et COVID-19

Publié le 23 mars 2020 par Toulouseweb

Boeing- Airbus, le pouvoir égalisateur et mortel du COVID-19.
www.aeromorning.com Mars 2020 -2-

A l'heure où ces lignes sont écrites, en cette fin du mois de mars 2020, un milliard d'individus sont confinés dans le monde à cause du Corona Virus ou COVID-19. Près de 15.000 personnes sont décédées et plus de 300.000 identifiées comme contaminées.

L'économie mondiale s'effondre. L'Europe, après la Chine, est tétanisée. Les compagnies aériennes les plus importantes ont remisé leurs avions. Par milliers ils sont consignés sur des parkings un peu partout. Les personnels en chômage technique ou licenciés. Et les constructeurs ont cessé toute activité pour permettre de confiner leurs employés et parce que toute livraison est désormais impossible. Jusqu'où ce cataclysme va-t-il nous mener ? Rien que pour Airbus, plus de 7500 avions commandés seraient à livrer dans les années à venir. Boeing, avec un peu moins de commandes en carnet (5400), cumule la crise du B737 Max et celle du COVID-19.


D'une part la crise a un effet égalisateur, car d'un coup l'année sans livraison de monocouloirs qui laissait la part belle à Airbus s'achève sur une cessation des livraisons d' Airbus. D'autre part, Boeing retrouve du temps, de l'allonge, pour gérer sa crise. L'avance de son concurrent va peu à peu s'estomper. Et à l'issue de l'attaque virale, les deux entreprises seront également amputées de nombreuses commandes, que l'une d'elle pouvait sans inquiétude espérer honorer.

Il est en effet tristement prévisible que les entreprises de transport aérien vont mettre longtemps à revenir au niveau d'activité, puis de croissance s'il y a lieu, que l'on connaissait fin 2019. Qui survivra ? A quel niveau ? Quel sera le sort des centaines de milliers d'employés de grande qualité potentiellement privés d'emplois chez les constructeurs et leurs sous-traitants ?


Boeing et Airbus sont les deux principaux fabricants d'avions au monde. Les deux sociétés produisent en particulier les jets très prisés que sont l' Airbus A320 et le Boeing B737, qui a longtemps été l'avion les plus vendus au monde avant les misères du B737 Max en 2019.

Le fleuron de Boeing est cloué au sol depuis le mois de mars 2019, suite aux deux catastrophes où il a été démontré que l'avion plusieurs fois modernisé, mais pas au niveau d'un appareil comme l'A320, ne respecte plus les normes de sécurité. Il ne respecte pas les exigences qui ont sans cesse évolué depuis la certification du premier modèle, en 1967, et n'est pas conforme non plus aux obligations auxquelles son nouveau modèle aurait du se conformer dès 2017. La direction du géant américain de Seattle semble avoir largement sous-estimé les dangers, et l'administration américaine (suivie des autres dans le monde) a accordé la certification sans se montrer sourcilleuse.

Du coup, devant la réelle crainte de voir sa responsabilité en cause, la FAA (Administration Fédérale de l'Aviation) ne valide pas le retour en vol de l'avion, avec les modification proposées par Boeing, qui au demeurant sont largement en deçà de ce qui serait raisonnable (voir chronique de décembre). Pourquoi cette viscosité de Boeing ? Cet entêtement ? Sans doute pas seulement pour des raisons économiques. Il semble que les dirigeants aient bien du mal à prendre conscience de la gravité de la situation. Et la vétusté du B737 rend toute remise en vol de l'avion complexe. Tandis que le lancement du successeur, qui aurait du se faire en toute logique industrielle il y a plus de 10 ans, devient chaque jour une réponse plus inadaptée, tant les délais pour un nouvel avion sont longs. Et le coût élevé. Le mal est donc ancien ! Mais le virus change la donne. Et redonne de l'allonge à Boeing. Sauront-ils en profiter ?


Avec la baisse des commandes brutes d'avions, le cours de l'action Boeing avait déjà fortement chuté. Le chiffre d'affaires effondré par la cessation des livraisons du best seller qui représentait 85% de ses productions, en nombre, Boeing a contacté l'autorité économique fédérale, à Washington pour bénéficier d'un programme d'aide.

La crise du Corona virus rendra cela sans doute plus aisé car nécessaire des deux cotés de l'Atlantique. Mais la multinationale devra également faire face à d'éventuelles menaces d'OPA et de prise de contrôle tant sa santé est fragile et sa valeur diminuée. Selon l'étude de Standard and Poors le groupe aérospatial est à la portée de prédateurs qui ont les moyens de devenir des actionnaires de référence. Rien qu'en 2019, ses prises de commandes ont été divisées par quatre ! Les commandes brutes sont passées de 1090 en 2018 à 246 pour l'année dernière, soit une baisse d'environ 80%. Pour le seul monocouloir B737 Max, le seul encore au catalogue, la baisse est d'environ 91,7% par rapport aux 837 reçues en 2018.


Mais, plus grave, au cours des 15 dernières années, Boeing a perdu nombre des clients de son monocouloir au profit de l'avionneur européen Airbus. En 2019, l'avion d' Airbus devenait l'appareil le plus vendu de l'histoire des jets, détrônant le B737. Et cela s'annonçait avant les malheurs du Max ! Conséquence évidente de la vétusté du B737, même modernisé en Max, face à l'A320 équipé depuis l'origine de commandes de vol électriques et de systèmes de pilotage conformes aux savoirs actuels. Ainsi , cumulativement, depuis 2006, Airbus a reçu plus de commandes brutes d'avions que Boeing ( 15 403 par rapport à 13 486).
Avec le COVID-19, au tour de l'univers Airbus d'entrer dans la tourmente à l'image de celui de son concurrent, même si les causes sont bien différentes. Quand et comment revenir à des chiffres de l'ordre de 80 avions produits et livrés par mois ? Se pose donc la question de survie de nos avionneurs en Europe comme dans le Nouveau Monde. Michel Polacco pour AeroMorning

Voir l'article de Justinas Baltrusaitis pour learnBonds.com sur les difficultés de Boeing. ( https://learnbonds.com/news/boeing-gross-orders-slump-over-4x-in-2019-covid-19-deepens-crisis/)