C'est l'explosion des labels type ESP, aux valeurs sûres types Fugs, parmi les plus barrés, les ineptes bien que culte The Godz. Aussi The Red Krayola, avec un Mayo "J'ose tout, c'est à ça qu'on me reconnaît" Thompson sur International Artists.
Là encore, tout part de l'UCLA, d'un trop plein de drogues et d'un esprit farouchement libertaire. Déjà le nom du groupe : trop cliché pour faire allégeance à l'administration Nixon que tous vomissent. Et toujours le démiurge et multi-instrumentiste - on y revient - Joseph Byrd, la muse et amoureuse Dorothy Moskowitz au chant et aux lyrics très incorrects assistés d'un brelan de musiciens échappés du Kaleidoscope US et autres orchestres obscurs.
Le credo du groupe, qui reste démocratique malgré tout, s'avère complètement musical. Et si le quintette reprend les canons pop et rue dans les brancards ("Hard coming love", la déchéance spirituelle au titre bien choisi "The garden of earthly delights"), il n'en oublie pas non plus son originalité : pas de guitare, mais un violon électrique. D'autres l'ont fait ? Mais qui d'autre pour incorporer des slinkies aux cymbales, ces ressorts virevoltants qui encombraient les intérieurs vintage.
Qui pour user du Calliope entendu entre autre sur l'intro de "The American metaphysical circus", cet instrument improbable jouant sur des émanations de gaz et qui évoque le bruit des fêtes foraines, l'Orgue de Barbarie ?
Il y a ensuite cette chanteuse au grain de voix proche de celui de Grace Slick, influence incontournable de l'époque que le militantisme rapproche aussi de ces figures essentielles que sont Laura Nyro et Joni Mitchell. Mais l'amateur pensera également à Claudia Gonson, (vocaliste au sein des Magnetic Fields).
L'art du collage sonore, l'esprit foutraque où sont pervertis tous les symboles US, du patronyme à ce détournement d'un classique du music-hall ("I wouldn't leave my wooden wife for you, sugar") est ainsi la marque de The United States Of America.Il y a aussi cette déclaration d'intentions politiquement incorrectes ("Love song for the dead Ché") qui leur attirera les foudres des pontes de Columbia mais qui sera néanmoins maintenue sur l'album.
Sans oublier l'ahurissant et long outro. ("The American way of love"). Cette chanson se paye à la fois les idéaux de la mère patrie : le "way of love" qui fait écho à l'une des devises du pays, est en fait une ode au sexe et à la prostitution. Et de citer tour à tour les Doors, des cut-up de "The garden of earthly delights" dans ce qui constitue à la fois un titre tourneboulant mais aussi l'un des sommets de cet album sans équivalent.
Le rayonnement de ce disque, Geoff Barrow et son esprit défricheur sauront s'en souvenir, qui trois décennies plus tard au sein de Portishead calqueront son "Half day closing" sur la trame de "The American metaphysical circus".
En bref : une oeuvre inclassable et culte, un collage d'expérimentations sonores pour une fois pas usurpé. L'unique album de cet aréopage demeure bien l'un des sommets de la période psyché US de la décennie dorée.